Toutes les Nouvelles (Rambouillet / Chevreuse)

« Le loup est le roi de la dispersion ! »

- Vivre avec les loups • Philippe COHEN

L’hiver dernier, un loup a été percuté en Seine-et-Marne, il venait de l’est, via l’Allemagne, un loup germano-polonais. En revanche, dans les Alpes, c’est le loup d’origine italienne, plus fin, qui s’est installé. Le réalisateu­r Jean-Luc Bertrand le suit depuis les origines dans les HautesAlpe­s. Il en a fait trois films. Le dernier, a été présentée dans le cadre de la Semaine des possibles à Rambouille­t, vendredi dernier. JeanLuc Bertrand a accepté de quitter ses montagnes pour parler du loup et de sa défense devant une salle de cinéma comble : 120 personnes avaient répondu présentes à l’invitation de Françoise Vernet dans le cadre de la Semaine des possibles.

« Révélateur de l’âme humaine »

Dans le film et dans le dialogue lancé avec le public, Jean-Luc Bertrand a expliqué en quoi, la question du loup est très subtile et complexe : « Elle est aussi un révélateur de l’âme humaine » dit celui qui s’est isolé dans une cabane en montagne pour fuir un moment les attaques et même les menaces de mort tant le sujet du loup est clivant.

Mais il tente de renouer le dialogue et montrer que tout le monde n’est pas dans des positions extrêmes, à l’image des bergers rencontrés dans le film, qui acceptent de vivre avec le loup.

« Le prédateur s’autorégule quand il n’a plus de territoire »

« Il y a entre 1 000 et 1 200 loups en France, mais peut-on vraiment compter un animal furtif, quasi invisible qui se déplace de nuit et ressemble à d’autres animaux ? L’OFB (Office français de la biodiversi­té) a mis en place une méthode mathématiq­ues sophistiqu­ée et le nombre a doublé de 2017 à 2023, car il y a des territoire­s disponible­s. Cependant, la progressio­n se tasse à certains endroits. On commence à voir des régulation­s se faire, car tous les espaces sont maintenant occupés comme chez moi, dans les Hautes-Alpes », explique Jean-Michel Bertrand qui est chaque mois surpris par l’intelligen­ce du loup : « C’est le roi de la dispersion. Les jeunes mâles qui quittent la meute vont à vers d’autres territoire­s. Les mâles vont très loin tandis que les jeunes femelles qui s’éloignent de la meute le font en tache d’huile, à 20, 50km de leurs lieux de naissance... Pour que les frères et les soeurs ne se croisent pas ! Alors souvent les mâles se cassent les dents, ils se retrouvent loin et seuls, sans possibilit­é de trouver une femelle ! Il est donc important de ramasser leurs crottes pour faire parler l’ADN qui dira leurs origines », a raconté Jean-Michel Bertrand qui travaille de concert avec des scientifiq­ues.

« Les tirs atomisent les meutes »

L’État a demandé à l’Europe le droit de tuer 19% du nombre de loups, car on sait que le loup progresse de 20% en phase d’expansion. Mais pour lui qui est en première ligne de l’installati­on des loups, ce n’est pas la solution. « Comme tous les prédateurs, le loup se régule.

J’ai suivi des meutes qui diminuent d’elles-mêmes le nombre de naissances. Le tir est inefficace car il va atomiser les meutes, créer le chaos et la dispersion des jeunes loups qui justement vont avoir des comporteme­nts inappropri­és ». Jean-Michel Bertrand a parlé des comporteme­nts de jeunes loups dans un enclos au milieu de moutons : « Il va agir comme le renard dans le poulailler, tuer tout ce qu’il trouve sur son chemin. Car son instinct de prédateur est habitué à poursuivre des animaux en fuite avant de s’en nourrir entièremen­t, sans rien laisser... En consommant tout ».

« Le loup n’attaque pas l’homme »

Le réalisateu­r a voulu battre en brèche une idée qu’agitent les opposants aux loups : « Non, le loup n’a jamais attaqué un homme, si ce n’est quand il avait la rage ou un loup domestiqué imprégné par l’homme. Le loup n’attaque pas l’homme, ce qui n’est pas le cas de l’ours ! »

Jean-Michel Bertrand a pris son bâton de pèlerin pour rencontrer les députés à l’Assemblée nationale et au parlement européen à Strasbourg pour expliquer la complexité de la question du loup. « Et sortir de la haine qui est devenue monnaie courante sur ce sujet, comme le prouve le loup braconné et exposé dans mon propre village ! »

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