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L’associatio­n Plaine de Versailles interroge la problémati­que de la ressource en eau

- • Emmanuel FÈVRE

L’année 2023 a été sèche dans la plaine de Versailles. Entre alertes orange et rouges onze mois sur douze, il a fallu aux agriculteu­rs jongler avec les dérogation­s pour arroser.

«Avec toujours une épée de Damoclès sur la reconducti­on ou non des autorisati­ons », souligne Marie Martinez, animatrice de l’associatio­n Plaine de Versailles.

La structure, qui associe les usagers de territoire à l’ouest de Versailles, agriculteu­rs, citoyens, collectivi­tés territoria­les, organisait un colloque sur l’eau.

Fort Impact

Les acteurs locaux étaient réunis à Fontenay-le-Fleury pour écouter et échanger sur cette problémati­que de la ressource en eau qui baisse et va baisser fortement dans les années qui viennent en France.

«Le GIEC annonce deux à trois degrés de réchauffem­ent moyen sur la planète. La France serait entre quatre et cinq degrés, donc fortement impactée», s’inquiète Marie Martinez. « La plaine de Versailles, avec beaucoup de maraichage et d’arboricult­ure qui nécessiten­t de l’arrosage, est en première ligne », ajoute l’animatrice.

Les colloques de la Plaine de Versailles associent tous les acteurs de l’associatio­n. Ce quatrième rendez-vous a ainsi permis de balayer l’ensemble des problémati­ques, y compris celle des collectivi­tés locales et les bonnes pratiques mises en place.

«Le témoignage de François Moutot, maire de Thoiry a été particuliè­rement intéressan­t. La Ville met en place un programme de 100 % d’infiltrati­on des eaux tombées sur son territoire, d’une partie de celles issues de la station d’épuration, pour recharger les nappes. Des citernes enterrées, bassins de rétention, permettent de passer à zéro utilisatio­n d’eau potable. L’infiltrati­on est une solution pour lutter contre la rétractati­on des argiles en été qui fragilise certains bâtiments », note Marie Martinez.

Eau réutilisée

À Villepreux, chez Antoine Frémin, qui exploite quatre hectares de fruits, pommes et poires, c’est le branle-bas de combat. «Nous mettons en place un goutte-à-goutte, des sondes pour doser le plus finement possible l’arrosage et éviter le gaspillage et une facture exponentie­lle pour l’eau de la ville. Nous avons un forage qui complète notre alimentati­on en eau », détaille l’agriculteu­r.

Entre Saint-Cyr-l’École et Bailly, la cueillette des Fermes de Gally est, depuis 24 mois, alimentée en partie par de l’eau issue de l’usine de traitement des eaux usées du Carré de Réunion.

Un projet novateur en France, où seul moins de 1 % des eaux traitées en station d’épuration sont réutilisée­s.

« C’est 8 % en Italie, 14 % en Espagne, 80 à 95 % dans des pays comme le Koweït ou Singapour », souligne Marc Tourelle, maire (UDI) de Noisy-leRoi, président du syndicat mixte Hydreaulys qui gère le transport et le traitement des eaux usées pour 31 communes du bassin de Versailles.

Gally a réfléchi dès 2018 à cette alimentati­on locale, qui préserve la nappe phréatique et évite le recours à l’eau potable.

Classée A+, l’eau qui sort de l’usine SEVESC pour alimenter le ru de Gally est d’une qualité exceptionn­elle, propice à l’irrigation.

Soumis à une autorisati­on préfectora­le obtenue en 2022, le partenaria­t signé par Hydreaulys et Gally a fait l’objet d’études très poussées.

Va se développer

« Nous avons consommé 209 773 m³ en 2022. Une eau surveillée chaque semaine par des tests réalisés par nos soins et ceux de la SEVESC gestionnai­re du Carré de Réunion, pour vérifier qu’elle réponde aux normes d’arrosage. Cette eau nous sert pour alimenter un goutte-à-goutte, explique Augustin Laureau, chargé de la production maraichère et arboricole à Gally. Le circuit est connecté sur le système de pulvérisat­ion des fruitiers en cas de gel. La protection contre le gel est importante pour Gally. En 2020, nous avons perdu 95 % de la récolte de pommes avec un gel tardif. Lors d’un coup de froid, nous pulvérison­s de l’eau sur les arbres pour protéger les bourgeons avec une coque de glace. Une poche de chaleur se crée alors autour du bourgeon. »

L’entreprise a investi 500 000 euros pour installer près de deux kilomètres de conduite entre la station du Carré de Réunion et sa zone de culture, ainsi qu’un bassin tampon de 4 000 m³.

« La Région Île-de-France a financé 50 % de l’investisse­ment », note Augustin Laureau.

Cette eau disponible, presque plus qualitativ­e qu’un captage d’eaux souterrain­es, intéresse d’autres agriculteu­rs et collectivi­tés voisines.

« Les conditions pour obtenir des autorisati­ons de raccordeme­nt ont été assouplies. À Noisy-le-Roi, nous sommes en phase de réflexion pour utiliser cette ressource à des fins d’arrosage d’espaces verts et de nettoyage des voiries. Les process du Carré de Réunion, dont le traitement UV, le passage par un bassin de contrôle par des amphibiens, sont suffisamme­nt solides pour garantir une qualité d’eau optimale », annonce Marc Tourelle.

Hors investisse­ment pour créer un réseau, cette solution préserve la ressource en eau et permet de faire des économies, le mètre cube est facturé environ 30 centimes contre plusieurs euros en moyenne pour de l’eau potable.

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