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Gressey : coup d’arrêt à la ferme usine de 40000 poules pondeuses et leurs «tonnes de fientes»
La Cour administrative d’appel de Versailles a annulé l’arrêté préfectoral qui avait « enregistré » la création d’une ferme usine de 40 000 poules pondeuses à Gressey.
La Cour administrative d’appel de Versailles a annulé l’arrêté préfectoral qui avait procédé au simple « enregistrement » administratif d’un élevage de 40 000 poules pondeuses à Gressey (Yvelines), a-t-on appris dans un arrêt du 22 mars 2024 rendu public le mercredi 3 avril 2024.
En juillet 2019, la préfecture des Yvelines avait enregistré le dossier de sa création. Mais elle n’en avait pas évalué les conséquences environnementales.
L’association Gressey Village et plusieurs riverains avaient introduit un recours contre cet arrêté, pris à l’époque par le préfet Jean-Jacques Brot.
Les « prescriptions » qu’il avait imposées à la société civile d’exploitation agricole (SCEA) Ferme d’Olivet de Jean-Luc, Christophe et Claudine Lecoq — qui exploite déjà un «atelier avicole» de 73000 volailles à Gambais, à 8 km du chemin du Bois de Cerisy — leur semblaient « insuffisantes pour assurer la protection de l’environnement ».
Les habitants désavoués en octobre 2021
Désavoués par le tribunal administratif de Versailles en octobre 2021, les plaignants avaient fait appel du jugement.
La « paisible petite commune » de Gressey, dirigée par son maire Valéry Bertrand, s’était rangée à leurs côtés devant les juges administratifs : soucieuse de « conserver son aspect des siècles passés », avec ses « nombreuses maisons de construction ancienne harmonieusement restaurées » réparties parmi des « édifications modernes et récentes», la municipalité jugeait, elle aussi, que le « poulailler industriel » critiqué par Gressey Village n’était «pas compatible» avec son Plan local d’urbanisme (PLU).
« Le projet (…) concerne un élevage avicole de 40000 emplacements (…), soit très exactement le nombre maximal de volailles permettant en principe que le projet soit soumis à une procédure d’enregistrement et non d’autorisation », commence par faire observer d’emblée la Cour administrative d’appel de Versailles.
«Cette exploitation (…) est située à proximité d’habitations et d’une Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF)», poursuivent les juges versaillais. « Une partie du terrain (…), bordé au nord par la lisière d’un massif forestier, est traversée par des corridors fonctionnels permettant le passage d’espèces à enjeux.
(…) Ce projet entraînera une réduction de l’habitat pour le lièvre d’Europe ainsi qu’une rupture de connectivité entre des réservoirs de l’écureuil roux », ont ajouté les magistrats.
Le problème des fientes riches en azote
Mais surtout, les 40000 poules pondeuses de l’élevage vont « produire chaque année plusieurs centaines de tonnes de fientes riches en azote» alors que le terrain se trouve déjà dans une « zone vulnérable » en matière de lutte contre la pollution des eaux par les nitrates.
«Si les effluents maîtrisables sont récupérés et séchés afin de faire l’objet d’une commercialisation, les déjections émises sur le parcours extérieur ne pourront être maîtrisées », s’inquiète la Cour administrative d’appel de Versailles.
« Si la quantité annuelle d’azote (…) est (…) inférieure au seuil de 170 kg par hectare fixé par le programme d’actions national à mettre en oeuvre dans les zones vulnérables (…), des effluents non maîtrisables peuvent cependant présenter un impact important. »
« Le projet présente des dangers ou inconvénients graves »
Or, la SCEA Ferme d’Olivet « ne conteste pas » que son élevage se situe « au point haut » de la commune de Gressey, «avec une pente supérieure à 15 degrés », ce qui a « une incidence importante sur l’écoulement des eaux notamment vers des zones habitées ».
« Eu égard à son ampleur, à sa localisation dans un milieu présentant une sensibilité environnementale notable et aux impacts importants qu’il pourrait engendrer (…), le projet présente des dangers ou inconvénients graves. (…) En conséquence, la demande (…) ne pouvait (…) être traitée dans le cadre d’un simple régime de l’enregistrement sans évaluation environnementale. »
L’État condamné à verser 2000 €
L’arrêté du préfet des Yvelines a donc été annulé et l’État condamné à verser 2000 € aux requérants pour leurs frais de justice.
L’élevage de volailles et l’administration ont jusqu’au 22 mai 2024 pour introduire un pourvoi devant le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative française. Une demande d’autorisation environnementale, plus longue et plus coûteuse à mettre en oeuvre, peut aussi permettre de « régulariser » le projet.
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