Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)

Le lycéen torturé pour un jogging

- F. D.

Les mois ont passé. Pourtant, les souffrance­s endurées sont encore marquées au fer rouge dans l’esprit du jeune lycéen. À tel point qu’il n’a eu ni la froce ni le courage d’affronter le regard de ses bourreaux lors du procès, ce mardi 22 août.

Il faut remonter au mercredi 16 mars 2016 pour développer le terrible récit détaillé par la présidente du tribunal correction­nel de Versailles. Ce jour-là, Amine* souhaite récupérer un survêtemen­t qu’il a prêté à un ami. Il apprend que ses habits sont passés sur le dos d’un autre. Ce n’est pas très grave à ses yeux. Il se rend chez Jordan, 19 ans. Dans l’appartemen­t du rez-de-chaussée, dans le quartier Richard-mique de Versailles, le jeune homme n’est pas seul. Il y a aussi Jean-françois, 25 ans, sa petite amie, et un certain Patrice, 32 ans, surnommé Poisson.

Dans un premier temps, Amine s’installe. La bande boit. Certains fument du cannabis. Vers 14h30, le lycéen décide de s’en aller. Il demande à Jordan de lui rendre ses affaires. Cela ouvrira le bal de ses supplices.

Porte et volets fermés

Patrice lui décroche un premier coup dans le visage. Jean-françois et Jordan le maintienne­nt. Ce dernier décide de fermer les volets pour plus de discrétion. Et la porte pour qu’amine ne s’enfuie pas.

Le malheureux est poussé au sol, sur les genoux. On lui enfourne sa carte d’identité dans la bouche. S’il la fait tomber en parlant, il est frappé. Il est aussi traîné sur le sol par les cheveux. Ses tortionnai­res veulent son code de téléphone portable. Dessus, ils ont cru voir un message qui le désignerai­t comme un pointeur, c’est-à-dire un agresseur sexuel. Ils se trompent.

Pourtant, le trio passe à la vitesse supérieure. L’un indique son intention de le violer. Un autre lui demande une fellation. Seul le troisième ressortira quelques instants avec sa petite amie. À son retour, il constatera du sang partout dans la pièce. Ses copains ont eu la main lourde sur le malheureux. Il a échappé de peu à certaines tortures comme l’arrachage de ses piercings avec des pinces. Les outils manquaient heureuseme­nt pour l’exécution de cette besogne.

L’après-midi touche à sa fin. Patrice, celui qui semble être le meneur, fait une propositio­n : « Il faut en finir. » Jordan acquiesce : « S’il faut en finir, je viens avec toi. » Amine, maintenu par le cou, est conduit jusqu’à la forêt proche. « Bois ce verre et pose ta bouche sur ce muret », lui ordonnent ses agresseurs. Patrice prend son élan. Il s’apprête à le frapper à la tête, et donc à le tuer comme dans le film American History X. Trop ivre, il tarde à faire tomber son pied sur la nuque d’amine. Le lycéen en profite pour s’échapper. Deux jours plus tard, il trouvera le courage de se rendre au commissari­at de Fontenay-le-fleury pour porter plainte.

Le trio sera rapidement identifié par les enquêteurs. Ils sont connus de la justice pour de multiples délits. Le matin, ils avaient été contrôlés alors qu’ils s’adonnaient à la boisson sur la voie publique. Seul Patrice prendra son temps pour se rendre. Ce n’est qu’après de multiples appels et un mandat qu’il se présentera au petit matin du 27 mars. Les policiers relèveront un taux de 2.36 grammes d’alcool dans le sang.

« J’ai été bête »

Lors du procès, Jordan qui avait bénéficié d’un contrôle judiciaire en décembre 2016 n’a pas daigné se présenter. Libre, Jean-françois a voulu faire amende honorable. « Ce jour-là, on a fait n’importe quoi. Il ne nous avait rien fait. C’était complèteme­nt gratuit… Oui, je suis sorti avec ma copine en le laissant. C’était lâche. J’ai été bête. » « C’est au-delà, tonne la présidente. Ce jeune homme a pensé qu’il allait mourir ! »

À son tour, Patrice prend la parole. « Il avait demandé son jogging avec agressivit­é. J’ai voulu faire mon justicier. Mais il pouvait partir quand il le voulait. Je voulais juste lui faire comprendre qu’on ne vient pas exiger des choses comme ça…»

Ces déclaratio­ns n’ont pas trouvé un écho favorable auprès du procureur de la République. « Tout cela est en capacité de faire désespérer de la nature humaine. Tout cela est d’une cruauté perverse dont ne sont pas capables les animaux. La violence est allée crescendo jusqu’à ce simulacre de mise à mort, avec ce dernier verre, comme la dernière cigarette du condamné. Contre patrice, je réclame 5 ans d’incarcérat­ion. Contre Jean-françois 18 mois et contre Jordan, absent, 3 ans avec la délivrance d’un mandat d’arrêt ».

À l’issue du procès, les sanctions sont tombées, conformes aux réquisitio­ns.

Du sang partout « Il faut en finir » « Une cruauté perverse »

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