Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)
Robert Badinter, père de l’abolition de la peine de mort, est décédé
Avocat, sénateur, ministre de la Justice, président du Conseil constitutionnel français... Robert Badinter était surtout connu pour son combat contre la peine de mort en 1981.
L’illustre Robert Badinter n’est plus. L’avocat, l’universitaire, l’essayiste et l’homme politique français est mort dans la nuit de jeudi 8 à vendredi 9 février 2024, à l’âge de 95 ans, a annoncé sa famille à l’AFP.
Robert Badinter était marié depuis 1966 avec la philosophe féministe Élisabeth Badinter. Ils ont eu ensemble trois enfants.
Ancien garde des sceaux de François Mitterrand, il a porté haut les couleurs de l’abolitionnisme avec la promulgation de la loi du 9 octobre 1981, qui a abrogé la peine de mort en France.
Cette figure de gauche, née en 1928 dans une famille d’origine juive de Bessarabie, a milité toute sa vie pour les droits de l’homme. Après la mort de son père en déportation dans le camp de Sobibor en Pologne, il s’inscrit à la fin de la guerre à l’université de Paris où il étudie les Lettres et le Droit. Il rêve d’être professeur de droit.
« Je suis devenu avocat par hasard, pas par vocation »
Mais son jeune âge l’en empêche, comme il l’explique à la revue Harvard Business Review en 2019 : « A l’époque, on ne pouvait pas passer l’agrégation avant 25 ans. J’avais 21 ans et il fallait que je gagne ma vie. C’est ainsi que je suis devenu avocat. Par hasard, pas par vocation ».
En 1951, il s’inscrit au Barreau de Paris pour devenir avocat. Mais il parvient finalement à être professeur en devenant maître de conférences à l’Université en 1965.
Pour autant, c’est en endossant la robe noire qu’il se démarquera. Entre 1972 et 1981, il sauve six accusés qui risquaient tous la peine de mort.
En 1977, il défend Patrick Henry, accusé d’avoir assassiné un petit garçon. Lors de sa plaidoirie, il livre un long réquisitoire contre la peine de mort.
Patrick Henry est finalement condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
L’abolition de la peine de mort, le combat de sa vie
Alors qu’il est militant du Parti Socialiste depuis 1971, le tout juste élu président de la République François Mitterrand le nomme ministre de la Justice en 1981. C’est là qu’il enterre le combat de sa vie, l’abolition de la peine de mort.
Pendant ses quatre années à la tête de la Justice, il oeuvre pour d’autres mesures portant sur la défense des droits de l’homme, telles que l’abrogation du délit d’homosexualité, la suppression de la Cour de sûreté de l’État et des tribunaux permanents des forces armées, l’élargissement du droit d’action des associations pour la poursuite des crimes contre l’Humanité et des infractions racistes…
Nommé par François Mitterrand, Robert Badinter devient président du Conseil constitutionnel, jusqu’en 1995, date à laquelle il est élu sénateur PS des Hautsde-Seine et ce jusqu’en 2011.
Robert Badinter a publié un certain nombre d’ouvrages et d’essais politiques. Le dernier en date, Idiss, un livre qui raconte l’histoire de sa grand-mère maternelle, a été publié en 2018.
Une pensée toujours présente dans le débat public
De sa haute et mince silhouette, sa voix était toujours présente dans le débat public. En octobre dernier, il confiait au journal La Croix son inquiétude sur les droits de l’homme, « confrontés à une crise majeure (…) avec l’’opposition entre universalisme et différentialisme ».
Malgré son grand âge, l’ex-ministre de la Justice militait toujours pour l’abolition universelle de la peine de mort, comme il le déclarait à la revue Harvard Business Review : « La peine de mort ne sert à rien, si ce n’est à calmer les fureurs, les angoisses, les peurs du vieil homme qui est là, tapi dans sa caverne. Et surtout, cela n’empêche pas le crime. Tant que je vivrai, je continuerai la lutte ».
Un hommage national lui sera rendu
L’annonce de la mort de Robert Badinter a déclenché une pluie d’hommages. Déjà, certaines voix se sont élevées pour réclamer l’entrée au Panthéon de ce combattant acharné contre la peine de mort.
« Ce jour, dont vous vous souviendrez toute votre vie, sera marqué par Robert Badinter. Il fut le gardien des lois dans toutes leurs forces. La nation a perdu un grand homme », a déclaré vendredi le Président de la République, Emmanuel Macron. Un hommage national lui sera rendu mercredi 14 février 2024, a annoncé l’Élysée ce samedi. Cet hommage sera organisé sur la place Vendôme, à proximité du ministère de la Justice. L’Élysée prépare cette cérémonie avec la famille de l’ancien garde des Sceaux.