Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)

Quatre prévenus, un mensonge...

- • F. D.

Ils sont alignés dans le box des prévenus du tribunal de Versailles. Le hasard a fait que c’est par ordre de taille, comme les frères Dalton. Un seul comparaît libre. Mais il complète bien le tableau. Unis dans le mensonge.

Le quatuor doit répondre, ce vendredi 9 février, d’un vol basique. Celui d’une Toyota hybride dans la résidence Élysée 2 de La Celle-Saint-Cloud.

Deux jours plus tôt, l’équipée prend la direction des Yvelines, depuis Vitry-sur-Seine (Val-deMarne - dép. 94), en passant par Carrières-sous-Poissy. En pleine nuit, à 2 h 52, les caméras de surveillan­ce voient une Clio entrer avenue de La Jonchère. Elle en ressort à 2 h 54, suivie par la Toyota. Un témoin qui s’est inquiété de rodeurs avait prévenu la police. Les fonctionna­ires se sont mis en embuscade. Tout le monde est arrêté.

« Aller voir des filles de Snapchat »

En garde à vue, les quatre vont ouvertemen­t se moquer des agents dans leur défense. Une ligne de conduite qu’ils vont conserver jusqu’au tribunal.

Pris au volant de la Toyota, le premier développe sa stratégie. « À la base, j’étais chez moi. On m’a proposé d’aller voir des filles de Snapchat. J’ai pris VTC. Il n’y avait personne. J’ai fait le tour de la résidence. Et puis j’ai vu la voiture. La vitre était déjà cassée. Le moteur était allumé. J’ai appuyé sur l’accélérate­ur. Elle a démarré. En vrai, j’étais surpris que ça marche. C’est pas du vol ! »

« Et le vol, c’est quoi pour vous ? » , s’enquiert la présidente.

« Le vol, c’est prendre quelque chose à quelqu’un qui n’est pas d’accord. J’ai pris une voiture déjà volée. C’est pas un vol » , répond le jeune de 19 ans.

Le prévenu en profite pour dénoncer un odieux complot policier fomenté contre lui. « Ils ont rentré dans le Waze de mon portable l’adresse de la résidence pour me rendre coupable. »

Le deuxième, libre à l’audience, le sourire aux lèvres, complète. « C’est vrai, on devait aller voir des filles. Après je me suis endormi dans la voiture et quand je me suis réveillé, j’ai vu la police. Et puis les policiers m’ont mis un téléphone en plus dans ma fouille qui n’était pas à moi. »

Le plus grand de la bande, sorti de prison voici 15 jours, a la mémoire sélective. « Le 6 février je devais aller à Nanterre. J’en ai profité pour voir des amis. Mais je ne sais plus pourquoi j’étais convoqué au tribunal. Je ne me rappelle plus. »

Le parquet se charge de lui rafraîchir la mémoire : six vols en réunion de voitures en 2022 et 2023. Pour la soirée de La Celle-Saint-Cloud, il n’en livre pas beaucoup plus.

Reste le dernier qui se montre le plus ouvert à la discussion. « Je n’aurais jamais dû les suivre. Moi, je veux me réinsérer, travailler et avoir une retraite. Là, je fais le Uber eats. Mon rêve est d’avoir un patron et d’être dehors, libre, pour aider mes parents s’il y avait un problème. »

Chacun est ultra connu des forces de l’ordre. C’est par dizaines que l’on compte les dossiers où leurs noms ressortent.

« Aujourd’hui, nous avons des explicatio­ns grotesques. Il faut des sanctions à la hauteur de leur comporteme­nt et de leur désinvoltu­re » , estime la procureure de la République.

Pour trois, la magistrate demande des peines allant de 10 à 18 mois avec incarcérat­ion. Seul le livreur a bénéficié d’un peu de clémence, avec 8 mois de sursis requis.

Pas facile pour la défense de prendre la parole dans ce contexte. Une des avocates tente de prouver, via la téléphonie, que les quatre n’étaient pas tout le temps ensemble. Et ce, afin de tenter d’écarter toute forme de concertati­on.

La seconde ne peut que constater : « J’en ai vu des idiots mais ces quatre-là sont gratinés pour tenter de s’en sortir bêtement. » Une façon de dire que la maladresse des explicatio­ns ne justifie pas forcément la prison.

On a frôlé l’outrage

Après de longues minutes, le tribunal rend sa décision. Trois ont été relaxés pour l’accusation de vol. Deux écopent de 18 et 10 mois de prison avec incarcérat­ion. Un se voit infliger 8 mois aménageabl­es. Le dernier qui comparaiss­ait libre est condamné à 8 mois de sursis.

Immédiatem­ent, il se dirige vers le box pour discuter avec un autre prévenu. « Monsieur, je viens de vous formuler une interdicti­on de contact. Vous n’avez pas compris » , tonne la juge.

Le jeune homme de 19 ans s’emporte, donne du « tu » à la juge qui le rappelle à l’ordre. On frôle l’outrage…

Poussé vers la sortie par des avocats qui sentent que l’interpella­tion se rapproche, il continue à s’énerver. « Monsieur. Vous êtes libre. Taisez-vous. Signez vos documents et rentrez chez vous » , lui ordonne son avocate.

À l’arrivée de deux policiers dans la salle des pas perdus, le calme revient. Fin de l’épisode.

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