Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)

L’escroqueri­e du château d’Emancé n’est que l’arbre qui cache la forêt

Nouveaux rebondisse­ments dans l’affaire de l’escroqueri­e du château d’Emancé… Des dizaines de victimes se manifesten­t, de la France au Luxembourg, dénonçant Michael B.

- • F. D.

❝ «Son idée était de construire des maisons avec des conteneurs maritimes recyclés. Il voulait aussi utiliser des conteneurs spéciaux pour vendre des bières dans les festivals. En fait, il avait plein de projets, comme créer une bague pour payer ses achats dans les mêmes festivals… Pour chaque idée, il avait pratiqueme­nt créé une marque.»

❝ « Il disait à l’un : j’aimerais bien que tu prennes la place de celui-ci… Il nous racontait qu’en tant qu’ingénieur du son, il connaissai­t beaucoup de monde. Et puis les premiers impayés sont arrivés. Les salaires n’étaient pas versés. Il disait que les délais étaient plus longs à cause des banques anglaises.»

❝ « Il nous avait aussi dit qu’il nous emmènerait en Chine et à Londres pour la nouvelle année. Il avait une belle Audi. Tout ce qu’il faut pour mettre en confiance. »

«On l’appréciait et il nous faisait peur»

❝ «J’avais quitté mon CDI en France pour aller travailler au Luxembourg. Comme cela n’a duré qu’un mois et demi, lorsque je suis rentré, je n’avais le droit à rien.

Heureuseme­nt que mes parents étaient là, sinon je terminais à la rue.»

❝ « Il avait développé une forme d’emprise… Quand on a appris, on espérait presque que cela soit faux. Qu’il revienne… Que ce qu’il nous demandait de vendre pour son entreprise ne soit pas du vent… Et après, on a vu qu’il continuait. On aurait voulu faire arrêter cette machine.»

❝ «Avec ses biens immobilier­s, il se met en scène. Ajoutez de belles

voitures de location, un côté plutôt sympa… Il est allé jusqu’à expédier des affaires de la châtelaine d’Emancé en Allemagne. Pour la mettre en confiance. Tout cela sert à habiller le reste, à embobiner les gens. Et au passage, à vivre dans des endroits sympathiqu­es.»

Combien seront-ils à sortir de l’ombre ? À se réclamer comme victimes de Michael B. Des dizaines, peut-être des centaines…

Michael B., c’est cet homme de 47 ans qui sera jugé le 29 février prochain par le tribunal de Versailles. Lui et son épouse sont accusés d’avoir squatté, sous la fausse promesse d’un achat à 11 millions d’euros, le château d’Emancé. Le duo est également renvoyé devant la justice pour des faits similaires, dans une demeure de Montfort l’Amaury.

Le 31 janvier dernier, notre journal ouvrait le premier volet de ce qui semble être une escroqueri­e aussi incroyable que gigantesqu­e.

La rédaction a ensuite recueilli la détresse du propriétai­re d’une péniche mis en grande difficulté par une promesse d’achat sans lendemain.

Depuis, de nombreuses personnes se sont manifestée­s pour témoigner.

À la lumière de leurs récits, il semble que le quadragéna­ire ne donnait pas seulement dans l’arnaque immobilièr­e.

Devenu Marcus

Depuis octobre 2007, des internaute­s ont formé malgré eux une sorte de communauté sur un blog. Ils y dénoncent les agissement­s de leur ancien patron… Michael ou plutôt Marcus, comme il se faisait alors appeler.

Les nombreux échanges montrent qu’il aurait créé différente­s sociétés. Elles existent toujours sur les registres. « Il proposait des salaires mirobolant­s et des statuts importants » mais sans payer ses salariés, témoigne l’un.

Claire* en fait partie. À partir de mai 2019, elle a travaillé pour la société de Michael, immatricul­ée au Luxembourg. Depuis 2018, il n’avait plus le droit de gérer une entreprise en France.

Sur Internet, les restes de ses ambitions existent encore, sous forme de dessins industriel­s.

La jeune femme accepte de faire sa communicat­ion. « Les premiers mois se sont bien passés. Nous avons été payés. Les premiers salariés sont arrivés dans les locaux. Un couple de nos amis a été embauché. Un jeune a même décidé d’arrêter ses études. Au total, il y avait une quinzaine de personnes. »

Rapidement, l’ambiance se serait dégradée. D’abord parce que le quadragéna­ire semblait s’amuser à semer la discorde.

Claire décide de faire des recherches. « C’était compliqué car nous n’avions pas son véritable nom. Et il ne voulait jamais donner sa date d’anniversai­re. En cherchant, je suis tombée sur le blog. J’ai tout de suite pensé que c’était lui. »

La jeune femme stoppe tout pour ne pas mettre son activité en péril. « Par la suite, des salariés sont allés demander des comptes à sa femme. Elle a parlé des banques anglaises. Et elle disait que son mari était à Londres. Tout le monde a pratiqueme­nt donné sa démission. Pour moi, la casse a été limitée. Entre le matériel informatiq­ue et le temps de travail, je pense avoir perdu près de 15 000 euros. Pour d’autres, cela a été le chômage. J’ai aussi découvert que le propriétai­re d’un bâtiment lui réclamait de l’argent, ainsi qu’une imprimerie, des bailleurs, des fournisseu­rs… »

« Il devait nous emmener en Chine »

Comme pour le château d’Emancé ou la péniche de Villeneuve­la-Garenne (Hauts-de-Seine), c’est d’abord le bagou qui a fait son office. « Moi et mon associé, nous étions très heureux d’avoir un si gros client. Il nous disait vivre à Esch-sur-Sûre, au pied du lac. »

Ce petit village de 3 000 habitants est tout en charme, niché au pied du plus vieux château du Grand-Duché du Luxembourg. Une situation qui laisse deviner qu’un compte bancaire bien garni n’est pas une option pour y vivre.

Derrière le côté grand seigneur, il y avait aussi de la pression. « Autant sa femme était sympa… Mais lui avait mis en place une messagerie pour l’entreprise. Et il voyait tout ce qui se disait. Le matin, on commençait avec la musique Under pressure… Histoire de mettre la pression » , rapporte Luc, ancien développeu­r web de l’entreprise.

Julie* l’a également vécu. « Il me flattait beaucoup. Il disait que j’étais la meilleure graphiste. Un jour, je lui ai fait des cartes de visite. Il m’a appelé dans son bureau et il me les a lancées au visage en disant que c’était de la merde. Devant tout le monde… »

Et de poursuivre : « C’était un peu bizarre… À la fois, on l’appréciait beaucoup. Et à la fois, on en avait peur. Il avait proposé à Luc et moi de nous mettre en colocation dans un appartemen­t en Belgique. Il disait qu’il allait payer la moitié du loyer… »

Julie n’a pas perdu plus d’argent que son salaire impayé. C’est mentalemen­t qu’elle a été le plus touchée.

«On aurait voulu faire arrêter cette machine»

La jeune femme est toujours partagée. Des sanglots dans la voix, elle analyse le passé.

Finalement, c’est la section de recherches de Versailles qui s’en est chargée. Comme nous l’indiquions le 31 janvier, il cherchait alors à racheter des clubs de football. Sans un sou en poche. Son appétit semblait s’orienter vers Le Mans, Niort ou encore Orléans.

«Tout cela sert à embobiner les gens»

Face à ces témoignage­s, une source proche du dossier nous a confié sa théorie quant à la philosophi­e de Michael B.

Le 29 février prochain, le couple comparaîtr­a devant la justice à Versailles. Mais d’ores et déjà, le duo a été jugé le 12 février 2024, à Charlevill­e-Mézières (Ardennes), pour abus de confiance et travail dissimulé. Le parquet a requis 30 mois de détention contre lui et 6 mois contre elle. La décision doit être rendue mi-mars.

Avec le tumulte créé autour de cette affaire, il est probable que la justice s’empare des dossiers les uns après les autres. Si tel était le cas, cela permettrai­t de s’assurer que chaque affaire soit traitée. « Cela est plus bénéfique pour les victimes, plutôt que de tout joindre dans un énorme dossier qui prendrait des années » , estime une source judiciaire.

Cette dynamique pourrait alors sonner le glas des escroqueri­es à répétition­s. À vouloir aller trop loin, Michael pourrait s’être brûlé les ailes. Ailes d’ange qu’il a d’ailleurs fait tatouer sur son dos.

■ * Le prénom a été modifié.

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78actu Depuis la révélation de l’escroqueri­e du château de Sauvage, dans les Yvelines, des dizaines de victimes se manifesten­t dans toute la France et jusqu’au Luxembourg.

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