Toutes les Nouvelles (Versailles / Saint-Quentin-en-Yvelines)

Il partage les vidéos intimes de ses ex-petites amies sur Telegram

- • F. D.

Blanc comme un linge, Arnaud tend les mains aux policiers pour qu’on lui enlève ses menottes. Il retire son masque chirurgica­l dévoilant un visage décomposé. Il le sait. Les minutes qui vont suivre vont être compliquée­s. Encore plus face à ces deux jeunes filles qui ont tenu à assister au procès, au tribunal de Versailles.

En cette soirée du vendredi 8 mars 2024, le jeune homme vivant à Montigny-le-Bretonneux peine à retenir ses larmes. Il est poursuivi pour avoir, entre le 1er février et le 6 mars 2024, diffusé sur Telegram des photograph­ies et des vidéos de ses anciennes petites amies. On appelle ça du revenge porn.

La justice lui reproche aussi la détention de deux contenus pédopornog­raphiques. Arnaud n’a que 21 ans. La gravité de ce qu’il a fait témoigne également de la dérive complète de certains réseaux sociaux.

Ça a commencé par du harcèlemen­t

Janvier 2023. Arnaud et sa petite amie se séparent. Il ne va pas bien le vivre. Il la harcèle. Le 7 septembre 2023, le jeune homme est condamné à 8 mois de prison avec sursis et une interdicti­on de contact.

Les semaines passent… Courant février 2024, la jeune femme reçoit des messages étranges via Instagram. « Des mecs me parlent de photos… Ils ont l’air étranges. »

Quinze jours plus tard, elle décide de mener l’enquête avec son nouveau petit ami. Sur les réseaux, elle découvre des photos et des vidéos d’elle. Toutes sont intimes. Elles datent de sa relation avec Arnaud.

Une autre ex s’inquiète à juste titre. Elle aussi a fait des images, « pour lui faire plaisir, même si ce n’est pas mon délire. » Elle rejoint son amie, la première victime, dans leur petite enquête. Le résultat est le même. Le 22 février, elles déposent plainte. Le 7 mars, Arnaud est arrêté.

Il avait été dans la police pendant 2 ans

Le temps de la garde à vue, les agents vont aller de surprise en surprise. À commencer par l’arsenal que le jeune homme possède : quatre armes de poings neutralisé­es, quatre couteaux dont un sous son lit, des douilles et surtout une véritable panoplie de policier : des vêtements authentiqu­es, des écussons. Tout cela provient des deux années qu’Arnaud a passées au sein de la police nationale. Il aspirait alors à devenir gardien de la paix. Un problème de santé a contrarié ses plans.

Au commissari­at, il accepte de déverrouil­ler son téléphone. Deux applicatio­ns attirent l’attention. La première est une interface sécurisée de stockage. Elle contient cinq dossiers remplis de captures d’écran de femmes dénudées ou pas loin de l’être. Il y a aussi deux images de jeunes adolescent­es. Et puis les photos et vidéos prises dans l’intimité de sa relation avec ses deux ex.

« Un repère de personnes bizarres »

L’autre applicatio­n qui intéresse les enquêteurs est la messagerie instantané­e Telegram. Il est abonné à une quarantain­e de canaux de diffusion, rassemblan­t près de 30 000 personnes. Tous concernent des échanges de contenus sexuels. Et c’est là qu’Arnaud a livré les images des deux victimes.

L’audience se transforme vite en chemin de croix. « Et alors, ça vous excite aussi des gamines de 12 ans ? », lance la magistrate.

Encore plus livide, Arnaud hurle un « non ! Ça ne m’excite en aucun cas. Je n’ai jamais regardé. Je ne savais même pas que j’avais ça. »

Il explique alors que sur ces canaux, ce sont des dossiers de contenus complets que l’on s’échange.

« On devient juste des morceaux de viande »

Vêtue de noir, la première victime prend la parole. Elle prend son temps pour exprimer son mal-être. « Je me sens sale. Je n’ai pas voulu qu’il garde ces images. Il avait promis de les effacer. Le problème est que sur les réseaux, ça peut revenir quand n’importe qui le décidera. On devient juste des morceaux de viande, des appâts pour avoir d’autres contenus. Sauf qu’on n’a rien demandé… Je veux que ça s’arrête. C’est très fatigant. »

« J’ai peur que ma famille ne voit ses photos. Qu’elles me poursuiven­t longtemps », ajoute la seconde jeune fille.

La tête dans les mains, pleurant à chaudes larmes, Arnaud s’excuse encore et encore. « Je sais ce qu’elles éprouvent… Au lycée, on a fait circuler des photos intimes de moi… »

En partie civile, les avocats déplorent les conséquenc­es du tout.

❝ J’ai vu qu’on pouvait s’échanger des choses sans problème… Ce n’était pas par volonté de nuire ou de me venger… J’ai échangé, échangé… J’ai été pris dans un engrenage. Mais je n’ai communiqué aucun élément de leur identité. Rien de ce que je peux dire ou faire ne pourra réparer. »

❝ Telegram est un repère de personnes bizarres dont je fais partie maintenant. Si vous saviez ce qu’on m’a demandé sur ces canaux… Avec le recul de tout ça, je sais qu’il y a un souci dans ma tête. Ça ne va pas bien depuis que je suis adolescent… À 13 ans, j’ai subi des choses. »

❝ Il a fracassé l’intimité. Certaines photos sont désormais en vente sur des réseaux. Plus personne ne maîtrise rien. C’est la dérive totale ! », tonne Maître Julie Soucat

Dans les rangs de la défense, les mots sont compliqués à trouver. La culpabilit­é est inéluctabl­e. « Pour autant, Mesdames du tribunal, gardez à l’esprit ceci. Nous devons tous nous inquiéter de cette sexualité filmée entre les jeunes. Qui est devenue omniprésen­te. Presque une norme. »

Aux 10 mois d’incarcérat­ion immédiate requis par le parquet, le tribunal répond par 11 mois en semi-liberté. « Et je vous engage très sérieuseme­nt à bien respecter cette semi-liberté. Et à ne commettre aucune nouvelle infraction. Car ce tribunal a une très bonne mémoire. »

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