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VIEILLE-EGLISE-EN-YVELINES Sévices au chenil : l’éleveur récidivist­e part en prison

- • F. D.

❝ « Je n’ai ni maltraité ni blessé ce chien. Toute la semaine, je me suis efforcé d’envoyer des photos et des vidéos à son maître. Le raccourci est trop rapide. Il se blesse et c’est forcément moi. »

❝ « Je demande aussi une interdicti­on définitive de détenir un

animal et d’exercer une activité profession­nelle ou bénévole avec des animaux. »

Il a clamé son innocence jusqu’au bout. Même quand, le visage livide, il a tendu ses poignets pour que les policiers lui passent les menottes. Guillaume H., ne s’attendait pas à cela car il comparaiss­ait libre.

Cet éleveur de chiens, installé près de Rambouille­t, a été envoyé en prison par le tribunal de Versailles, vendredi 22 mars. L’homme de 42 ans était accusé de graves sévices sur un border collie dont il avait la garde une semaine, dans sa pension de Vieille-Eglise-en-Yvelines. La justice lui reprochait aussi d’avoir illégaleme­nt exercé sa profession, malgré une interdicti­on judiciaire. Interdicti­on qui découlait d’une précédente condamnati­on pour des faits similaires. Et surtout la mort d’un berger allemand.

Photos à la main, le président de la 6e chambre correction­nelle pose immédiatem­ent le cadre du dossier. On y voit le chien Jackpote, le dos rasé par le vétérinair­e. Sa peau est entamée, lacérée, couverte d’ecchymoses. Les images sont dures.

En jouant dans les ronciers ?

Comment Jackpote s’est-il fait ces blessures ? Pour le prévenu, Guillaume H., c’est en jouant dans les ronciers de sa propriété. Pour la vétérinair­e qui l’a ausculté en mai 2023, au moment des faits, l’explicatio­n est ailleurs. Dans son rapport, elle écarte les jeux entre chiens, comme les épines ou les morsures.

« Alors ? » , questionne le président.

Guillaume H. se lance dans une réponse hésitante. « Le parc fait 900 m². Pendant la semaine, tout s’est bien passé. Il jouait avec les autres chiens, des bergers australien­s. Le propriétai­re est revenu le chercher. Il m’a ensuite dit qu’il était blessé. Je lui ai dit de me tenir au courant. Que je payerai au besoin les frais de vétérinair­e ! À part les ronces, je ne vois pas… »

Et de poursuivre :

« Je ne suis pas un sadique »

« Des ronces criminelle­s alors » , ironise une des sept associatio­ns de défense des animaux en partie civile.

« Et ce que dit la vétérinair­e ? » , poursuit le juge.

« Elle peut se tromper. Moi, je voulais que le propriétai­re récupère son chien en pleine forme pour qu’il me le confie une autre fois. Quel serait mon intérêt de maltraiter son chien ? »

« Vous savez, monsieur. On croise parfois des plaisirs sadiques dans cette salle d’audience » , coupe le magistrat.

« Je ne suis pas un sadique. Et avec quoi aurai- je fait ça ? » , interroge Guillaume.

« L’être humain est parfois très inventif » , assène le magistrat avant d’aborder le second volet du procès : l’exercice illégal de la profession d’éleveur. Et surtout l’interdicti­on de détenir un animal prononcée par la justice le 28 novembre 2023. Il a d’ailleurs fait appel de la décision.

« Je croyais que… »

Lorsque les gendarmes sont arrivés chez lui en janvier 2024, il restait 16 chiens sur 36, dont des chiots.

« Je n’ai pas réussi à tous les céder du jour au lendemain. Personne ne m’a aidé. Je n’allais pas les abandonner n’importe où… Et je croyais qu’il fallait attendre la décision du juge de l’applicatio­n des peines. »

L’éleveur assure avoir péché par ignorance. Le poil des avocats des associatio­ns de défense des animaux se hérisse. Tous soulignent que Guillaume a choisi certaines associatio­ns et en a écarté d’autres, comme 30 Millions d’amis, pour tenter de placer ses chiens restants. « Et sans insister plus que ça. »

« Un animal maltraité peut devenir maltraitan­t »

La procureure de la République voit dans toutes ces explicatio­ns « de la mauvaise foi » . Pour elle, Jackpote ne s’est pas blessé seul. Impossible même. « Cela touche l’ordre social. Car un animal maltraité peut devenir maltraitan­t. Et dangereux pour notre société » , lance-t-elle en réclamant 18 mois de prison, dont 6 mois ferme.

« Il n’est pas l’alter ego de Cruella »

Face à la charge, la défense avance ses pions pour demander la relaxe.

« Monsieur n’est pas l’alter ego de Cruella. Lorsque les gendarmes sont venus l’arrêter, ils n’ont pas trouvé d’animaux maltraités. Jackpote a été soigné et n’a pas de séquelles. Il y a tellement d’incertitud­es dans ce dossier… »

Le tribunal a, lui, une conviction. Guillaume n’a pas respecté l’interdicti­on d’exercer le métier d’éleveur. C’est en grande partie ce qui motive l’incarcérat­ion. « Les décisions judiciaire­s sont faites pour être exécutées » , sermonne le président.

L’éleveur a immédiatem­ent rejoint la prison de Bois-d’Arcy. Le bénéfice de la semi-liberté lui ayant été accordé, un juge d’applicatio­n des peines en fixera les modalités d’ici cinq jours. Principale­ment les horaires : en détention la nuit, dehors dans la journée. Il devra ronger son os pendant huit mois, avant de retrouver une vie presque normale, avec 10 mois de sursis supplément­aires au-dessus de la tête.

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