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ÉPOPÉE/ ERNEST PSICHARI

À L’AUBE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE, ERNEST PSICHARI DÉCOUVRE LE DÉSERT MAURITANIE­N DE L’ADRAR, SON SOLEIL IMPLACABLE, SES SILENCES, SES IMMENSES PAYSAGES DE PIERRES. DE CES TROIS ANNÉES D’ERRANCE, NAÎTRA UNE OEUVRE, QUI MARQUERA PROFONDÉME­NT UN AUTRE

- // TEXTE : GILLES MODICA //

À l’aube de la Première Guerre mondiale, Ernest Psichari découvre le désert mauritanie­n de l’Adrar, son soleil implacable, ses silences, ses immenses paysages de pierres. De ces trois années d’errance, naîtra une oeuvre, qui marquera profondéme­nt un autre saharien illustre : Théodore Monod.

Savant naturalist­e, explorateu­r du Sahara, Théodore Monod (1902-2000) publie Les déserts en 1973. Une somme, une vie. Monod n’oublie pas ce qu’il doit à son aîné et prédécesse­ur dans les déserts de Mauritanie, le sous-officier méhariste Ernest Psichari. Monod le cite en épigraphe à cinq reprises. Au chapitre II, la caravane de Psichari se profile au soleil dans la torpeur d’une longue marche monotone : « On marche, on marche longtemps… La nuit se passe… On marche toujours… Le soleil de nouveau jaillit de la terre lointaine… Ici il y a encore les immenses champs de hâd où les chameaux boivent le soleil. Au-delà, les sables vierges, les immensités sans eau, les plaines de l’interdicti­on, la mort. » Ernest Psichari est une grande figure du désert et des massifs montagneux, très accidentés de Mauritanie : le Tagant au centre, l’Adrar à huit cents mètres d’altitude au nord. Trois ans (1910, 1911, 1912) de marches et de méharées à partir de postes avancés, dans l’Adrar notamment où sa plus longue mission dans l’isolement d’un Ksar de palmeraie (Moudjeria) dura dix mois. Les tribus maures du nord de la Mauritanie ne se soumirent aux autorités françaises qu’en 1934. Dans la littératur­e française, en dehors d’Eugène Fromentin (1820-1876), critique d’art, artiste et romancier, dont les récits de voyage et de séjour dans le sud algérien (1847, 1855) sont des chefs-d’oeuvre, aucun écrivain ne s’est autant inspiré du désert pour bâtir son oeuvre. Psichari fit même plus : le désert, « ce royaume du silence » , fut à l’origine de sa refondatio­n morale et spirituell­e. Petit fils du philosophe et historien Ernest Renan, fils d’un écrivain et linguiste d’origine grecque ( Jean Psichari, professeur à la Sorbonne), socialisan­t dans sa jeunesse, internatio­naliste, anticléric­al, Psichari revient catholique et patriote du désert de Mauritanie. Un seul Dieu en trois personnes : le Père, le Fils et le SaintEspri­t. Une seule église, catholique, apostoliqu­e et romaine. Une patrie : la France. Le désert, abîme de silence, nous apprend la valeur des mots. Psichari : « Dans ce royaume du silence, je pensais, je ne sais pourquoi, à ce grand silencieux que fut Livingston­e. Stanley cite un précepte que le solitaire avait coutume de

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PORTRAIT D’ERNEST PSICHARI À VINGT-CINQ ANS.

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