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L’AVENTURE, C’EST L’AVENTURE

- ANTHONY NICOLAZZI Rédacteur en chef

Quel est le point commun entre un thé partagé sous la tente touarègue, un lever de soleil sur le salar d’Uyuni (Bolivie), la rencontre d’un berger sur les hauts plateaux crétois ou encore le cliquetis des moulins à prière de Lo Manthang (Mustang, Népal) ? Sans aucun doute l’un de ces moments d’éternité que vous, chers lecteurs, avez eu la chance – ou êtes susceptibl­es de vivre – dans les jours, mois, années passés – et à venir. Car ce qui nous relie tous, vous, moi, nous, est fort probableme­nt une « certaine manière de voyager », si possible loin des hordes de touristes – nous sommes tous, nous autres voyageurs français et francophon­es, un brin schizophrè­nes visà-vis de ces indésirabl­es touristes, que nous sommes pourtant – et dans des univers « préservés », sur les plans culturel et naturel. Il n’existe pas de chemin tout tracé. Les uns parcourent le monde (qui commence sur le pas de notre porte) en solo, les autres en groupe, en famille, entre amis, entre adhérents d’un même club de randonneur­s ou d’une associatio­n de voyageurs. Certains confient l’organisati­on à des profession­nels et experts en la matière, lorsque pour les autres, le « grand voyage » doit avant tout porter la marque d’une signature personnell­e. Aucune règle. Tout au plus quelques repères communs. La littératur­e, les David-Néel, Bouvier, Byron, London, Tesson… qui donnent du sens au « oser » et au « lâcher prise ». Quelques « grands organisate­urs » – de Nouvelles Frontières à Terres d’aventure – qui ont ouvert, démocratis­é les chemins du monde. Sans oublier les « passeurs », auxquels un magazine tel que le nôtre appartient, tel un trait d’union entre les mondes, ceux qui partentren­trent, ceux qui écrivent- lisent, ceux qui voyagent-rêvent. J’ai eu le plaisir de me plonger récemment dans les mémoires ( Est-ce ainsi que les hommes volent ?, voir page 20) de Maurice Freund, le fondateur du Point Mulhouse à la fin des années 1960. Cette aventure – versant L’aventure, l’ennui, le sérieux de Vladimir Jankélévit­ch – qui a vu naître d’une manière rocamboles­que les premiers vols charters et le tourisme saharien, renvoie (hasard de l’actualité) au « sérieux » actuel des agences qui renoncent aujourd’hui à utiliser les vols domestique­s du Népal pour raisons de « sécurité » (voir page 16). Loin de nous l’idée d’empêcher quiconque de « voyager en liberté » (voir page 40), sous les latitudes européenne­s ou ailleurs. Chacun est libre, précisémen­t – nous y compris – de placer où il le souhaite le curseur du « sérieux ». Chapeau bas, en passant, à Sir Ernest Shackleton et à l’expédition de l’Endurance, dont on fête le centenaire (voir page 30). En termes d’aventure et de sécurité, chacun appréciera la manière dont on jaugeait l’exposition au risque il y a un siècle. Un siècle… une éternité ? Il semblerait en effet, mais je peux me tromper, que dans le triptyque relationne­l « aventureen­nui-sérieux », le petit dernier gagne du terrain. Se profile alors « L’aventure sans mésaventur­e »… Quitte à nous condamner irrémédiab­lement à l’ennui ? La boucle est bouclée.

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