Trek

Le cap Enniberg

VIÐOY, ENTRE FANTÔMES ET FULMARS

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Le cap Enniberg au nord de l’île de Viðoy est le point le plus septentrio­nal des Féroé. Une brochette de cairns conduit à l’une des plus hautes falaises d’Europe, belvédère imprenable sur l’océan et les îles environnan­tes. Qui croyait qu’une fois payé le billet d’avion, la Toyota de location au prix d’une Tesla et des nuitées d’hôtel à faire blêmir le Ritz, on allait pouvoir batifoler dans la montagne féroïenne un brin d’herbe entre les dents, aussi insouciant qu’un agneau de l’année ? Eh bien non, pour randonner aux Féroé, il faut souvent mettre encore la main à la poche. Le Villingada­lsfjall, à l’extrémité de l’île de Viðoy est avec 841 m la troisième plus haute montagne de l’archipel. Le terrain qui l’entoure est privé et le propriétai­re - comme beaucoup d’autres - a vu là un bon moyen de compléter ses revenus sans trop d’efforts. Une boîte aux lettres est donc mise à dispositio­n du visiteur à l’entrée du chemin où il est aimablemen­t invité à déposer un billet de 200 DKK – une trentaine d’euros tout de même ! – avant de s’élancer vers les cimes éthérées. Civilité et probité scandinave­s... Durant la rude grimpette qui comme à l’accoutumée ne s’embarrasse guère de lacets, on a tout loisir de se livrer entre deux suées à un peu de calcul mental spéculatif : à raison d’une quinzaine de randonneur­s par jour - fourchette basse – pendant 5 mois de saison touristiqu­e de mi-mai à mi-octobre, notre ingénieux fermier devrait donc être en mesure d’amasser la coquette somme de 67 000 €. Encore fasciné par l’esprit d’entreprise féringien, on gagne les premiers cairns qui prennent le relais des tuyaux bleus plantés tous les vingt mètres faisant jusque là office de balises. « Les cairns sont l’âme des Féroé » s’emballe le guide Rani Nolsøe ; « sans eux tu meurs... » Voilà qui pourrait sembler un peu excessif mais en cas de brouillard, ils peuvent effectivem­ent vous éviter le plongeon du haut de la falaise. « Dans la brume, si tu ne vois pas le cairn suivant, tu t’encordes à ton cairn pour rechercher l’autre avant de revenir te décrocher ». Pour l’heure, un ciel bleu se déploie au-dessus des têtes, zébré par les éclairs blancs des fulmars, acrobates du grand large. Derrière, en contrebas, les maisonnett­es du village de Viðareiði font un joli semi de petits cubes bigarrés un peu distant de l’église, un imposant bâtiment blanc, isolé près de la côte. La rumeur court que le presbytère juste à côté est hanté par Binta, la femme d’un pasteur du XVIIe siècle qui fou de douleur après la mort de son épouse avait rouvert le cercueil pour la revoir une dernière fois. Depuis la défunte dérangée dans son dernier sommeil traîne la nuit dans les couloirs. Brrrr... Les Féroé adorent frissonner de ces histoires de morts qui pour une raison ou une autre, ne le sont plus tout à fait et rechignent à quitter les vivants pour retourner au royaume des Ombres. En l’absence de zombies au sommet, il est possible de poursuivre sur quelques centaines de mètres et d’atteindre l’extrême nord de l’île de Viðoy, et par la même occasion le point le plus septentrio­nal des Féroé, qui s’achève sans crier gare en une muraille de 754 m plantée tout droit dans une mer d’acier bruni.

 ?? ?? • Point de départ - arrivée : Village de Viðareiði au nord de l’île de Viðoy • Durée : 3 heures • Niveau : Assez difficile (à faire seulement dans de bonnes conditions météo)
• Point de départ - arrivée : Village de Viðareiði au nord de l’île de Viðoy • Durée : 3 heures • Niveau : Assez difficile (à faire seulement dans de bonnes conditions météo)

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