Nanga Parbat : la montagne implacable
Une Killing Mountain, une montagne tueuse, en contrepoint à la douceur de Fairy Meadows ? Tous les versants du Nanga Parbat collectionnent, depuis les premières tentatives d’ascension à la toute fin du XIXe siècle, une série de drames qui vaut statistiquement à ce « petit » 8 000 le titre dérangeant de montagne parmi les plus dangereuses du monde. Dès la première reconnaissance, le grand grimpeur britannique Mummery, auréolé d’une constellation de premières dans les aiguilles de Chamonix et au Cervin, y disparaît corps et biens avec trois porteurs en 1895. Dans les années 1930, bien avant la prouesse de l’alpiniste autrichien Hermann Buhl, le seul alpiniste à avoir vaincu pour la première fois un sommet de 8 000 « en solo » (juillet 1953), 31 grimpeurs et porteurs perdent la vie sur le Nanga, au fil d’expéditions essentiellement allemandes soutenues par le régime nazi. Cette hécatombe dans l’élite des alpinistes du Reich vaudra au sommet d’être rebaptisé « la montagne du destin allemand » par la propagande de Berlin. Autre drame : en 1970, le jeune prodige Reinhold Messner et son frère Günter ouvrent le premier itinéraire de l’extraordinaire face sud (Rupal), avant de s’échapper par le versant Diamir. Personne ne reverra Günter. Reinhold, hanté par des années de polémiques et de questions, n’aura de cesse de revenir sur cette montagne, à la recherche du corps de son frère. Plus près de nous, très loin de l’alpinisme : en juin 2013, des talibans déguisés en miliciens paramilitaires pakistanais exécutent 11 alpinistes sur le camp de base du versant Rupal. Enfin, la France entière a suivi, en janvier 2018, l’un des plus extraordinaires sauvetages de l’histoire de l’himalayisme, celui d’Élisabeth Revol, en redescente limite avec son compagnon, Tomasz Mackiewicz, de la seconde ascension hivernale du Nanga.