L’ÉTRANGE LIBYEN qui veut sauver SARKOZY
Depuis 2012, l’ancien président est soupçonné d’avoir reçu des fonds occultes du colonel Kadhafi. Une note publiée en 2012 par Mediapart est censée en apporter la preuve. Un témoin clé remet en cause son authenticité. Pour quelles raisons ? Sur quelles ba
« JE N’AI AUCUN LIEN AVEC SARKOZY MAIS JE NE VEUX PAS LAISSER le mensonge se répandre. »
Jomode Elie Getty
nicolas Sarkozy ne le connaît pas mais il devra peut- être un jour lui dire merci. Jomode Elie Getty est un jeune homme au regard malicieux et aux tenues soignées – veste sombre, chemise claire et cravate – qui se présente à la fois comme « chef d’entreprise » et « militant politique » et revendique par- dessus tout un tempérament d’« activiste ». S’il s’est installé en France il y a quinze ans pour fuir la dictature libyenne, s’il y a obtenu le statut de réfugié, en a appris la langue et y a suivi des études supérieures, tissé des réseaux et milité pour les droits de l’homme, rien ne le prédestinait à voler au secours d’un ancien président – a fortiori celui-là. Il n’a pas oublié qu’avant d’être l’un des meneurs de l’intervention militaire de l’OTAN qui a fait tomber le régime libyen, Nicolas Sarkozy « a reçu Kadhafi avec tous les honneurs ». C’était en décembre 2007 et Jomode se souvient qu’il a ressenti « une grande colère » en voyant les images du tyran de Tripoli traverser la cour de l’Élysée. Il dit avoir « vécu cette visite comme une trahison ».
Au moment de la guerre en Libye, en 2011, il s’est battu aux côtés des rebelles et a rallié le Conseil national de transition (CNT), le regroupement des opposants censé préfigurer le gouvernement de l’après- Kadhafi mais qui n’a jamais réussi à unifier le pays. Il est issu de l’ethnie des Toubous, peuple noir dont le territoire s’étend sur le massif du Tibesti, entre le sud de la Libye et le nord du Tchad (il prétend même appartenir à une lignée royale et mériter le titre de prince). Avec le recul, Getty estime que « Sarkozy a aidé le CNT mais n’a rien fait pour les Toubous ». Il en tire cette conclusion pleine d’orgueil en se redressant sur son siège : « J’ai perdu beaucoup d’amis au combat. Je ne dois rien à Sarkozy, je n’ai aucun lien avec lui. Mais je ne veux pas laisser le mensonge se répandre. Ce que je fais, ce n’est pas pour lui, seulement pour la vérité. »
À l’entendre, cette « vérité » est celle qu’il s’est juré de faire triompher contre la plus troublante des accusations portées contre l’ancien chef de l’État : le financement occulte de sa campagne présidentielle de 2007 par le colonel Kadhafi – « infondé et irréaliste », tranche- t-il en souriant d’un air désolé. L’accusation a surgi entre les deux tours de l’élection de 2012, au moment où Nicolas Sarkozy briguait un second mandat mais semblait déjà distancé par François Hollande. Le site Internet Mediapart publiait alors un document rédigé en arabe, présenté comme une note interne du pouvoir libyen datée du 10 décembre 2006 et dont il ressortait que « 50 millions d’euros » avaient été alloués au candidat Sarkozy pour « appuyer sa campagne ». Attribuée au directeur de la sécurité extérieure libyenne, Moussa Koussa, la note indiquait qu’un accord avait été conclu au cours d’une réunion tenue le 6 octobre précédent, en présence de deux proches de Kadhafi – son beau-frère Abdallah Senoussi, chef des services de renseignement, et son ex- directeur de cabinet Béchir Saleh, directeur d’un des fonds souverains libyens – ainsi que du ministre français Brice Hortefeux, ami et confident de Sarkozy, et de l’intermédiaire franco-libanais Ziad Takieddine, figure des affaires politico-financières des vingt dernières années.
Chacun des personnages cités dans le texte a d’emblée contesté son authenticité (directement ou par avocat interposé). La divulgation du document a entraîné l’ouverture de deux enquêtes judiciaires : l’une pour « faux », « usage de faux » et « publication de fausse nouvelle », à la suite d’une plainte de Nicolas Sarkozy ; l’autre pour « corruption et blanchiment », afin de vérifier les informations contenues dans la note. Deux juges ont été désignés. Leurs recherches parallèles – et parfois concurrentes – les ont conduits à interroger de nombreux témoins, dont certains ont corroboré la teneur de la note pendant que d’autres la contestaient. Personne n’a pu attester formellement la validité ou la fausseté du document lui-même. Ajoutées à l’énormité du soupçon – un chef d’État corrompu par une dictature –, ces contradictions et les incertitudes sur l’origine du mémo controversé ont entretenu le malaise. Ni les politiques ni la presse ne s’en sont emparés, aucun élément incontestable n’a permis à la justice de trancher et, trois ans plus tard, le document de Mediapart jette encore une ombre embarrassante sur le come- back de Nicolas Sarkozy. « Soit c’est le plus grand scandale de notre histoire, soit c’est la plus odieuse des machinations », m’a dit, perplexe, l’un des plus hauts magistrats français.
Jomode Elie Guetty entre dans cette affaire par une porte dérobée. Au printemps 2013, les policiers perquisitionnent au domicile parisien de Ziad Takieddine. Ils découvrent le nom et le numéro de téléphone du jeune Libyen griffonnés sur un morceau de papier. (Jomode participait alors à la traque des anciens kadhafistes ; l’homme d’affaires, très en cour à Tripoli sous la dictature, lui proposait des informations en échange d’une immunité). Problème : Takieddine a mal noté son identité et le numéro est hors- service. Plusieurs semaines de recherches sont nécessaires
pour le trouver. Le 20 juin 2013, les enquêteurs fouillent son appartement et saisissent des piles d’archives en langue arabe. Le 9 juillet, il est interrogé. Il explique alors avoir été en contact avec les journalistes de Mediapart, qui l’auraient ensuite sollicité, dans un café proche de la Bastille, la veille de la parution du fameux document accusant Nicolas Sarkozy.
Le dialogue qu’il rapporte laisse les enquêteurs médusés : « Ils m’ont montré un document sur leur téléphone portable. (...) Ils m’ont demandé ce que j’en pensais ; je leur ai répondu qu’il s’agissait d’un faux document. Ils ont insisté ; ils m’ont affirmé qu’ils étaient sûrs de leur source. Je leur ai dit qu’ils étaient aveuglés par leur haine de Sarkozy. » La scène est démentie avec force par les deux journalistes de Mediapart auteurs de l’article, Fabrice Arfi et Karl Laske. Devant la justice, tous deux ont nié avoir montré à Getty la note controversée – le premier a même établi, pièces à l’appui, qu’il ne se trouvait pas à Paris la veille de la parution de l’article. Ils l’ont traité de « menteur », de « mythomane » et de « faussaire ».
Pourtant, l’ex-rebelle libyen n’en démord pas. « Bien sûr que ce rendez-vous a eu lieu, m’a- t-il déclaré sur un ton catégorique. Je me souviens très bien du café, de ce qu’ils m’ont dit. Pourquoi est- ce que j’inventerais une histoire pareille ? J’ai dit à la police que ça s’était passé la veille de l’article ; dans mon esprit, c’était approximatif. S’ils n’étaient pas à Paris ce jour-là, c’est que ça s’est passé plus tôt. Avant qu’ils sortent leur article, j’ai vu ces journalistes au moins dix fois. J’ai été leur source pour une enquête sur l’espionnage des opposants libyens en France. Je leur ai remis des documents. Quand ils m’ont montré celui qu’ils allaient publier, je leur ai dit tout de suite qu’il était faux – il ne ressemblait pas à ceux que moi, j’ai vus en Libye. Ils étaient très déçus. L’un des deux m’a demandé : “Tu es sûr de toi ? Vraiment ?” L’autre ne disait rien, il avait l’air en colère. Ils m’ont répondu que je devais me tromper, qu’ils étaient certains de leur source. Ils disaient que le document leur avait été donné en Tunisie. C’est là que je leur ai dit qu’ils étaient obsédés par Sarkozy. Ils avaient trop envie d’y croire. »
QUINZE FAUTES, TROIS POLICES
e t lui, faut-il le croire ? Au fil de mes rencontres avec Jomode Elie Getty, il m’est arrivé de penser qu’il n’avait pas le profil du témoin incontestable. Il s’exprime dans un français volubile mais maladroit, a tendance à avaler les mots et à mélanger les dates. Son parcours est celui d’un réfugié comme d’autres, avec ses éclipses et ses imbroglios. Il a porté plusieurs noms dès l’enfance – la Jamahiriya libyenne imposait l’arabisation des patronymes –, dispose de passeports libyen et tchadien comme bien des Toubous, a pris l’habitude de jongler avec les identités pour voyager quand les services de Kadhafi le classaient comme « individu dangereux à surveiller ». En France, il a vécu d’expédients, enchaîné les petits boulots (cueilleur de pommes, bagagiste à l’aéroport de Roissy...) sans jamais cesser de militer contre le régime de Tripoli. Un fait d’armes le distingue cependant de tous les opposants libyens : il est le seul à avoir osé s’attaquer frontalement au dictateur en déposant une plainte contre lui en 2009 devant la Cour pénale internationale de La Haye. « Il fallait un sacré courage pour faire un truc pareil : il a gagné le respect de beaucoup de gens à ce moment-là, en Libye et en Europe », se souvient l’homme d’affaires Pierre Bonnard, alors président de la chambre de commerce française pour le Proche et le Moyen-Orient.
Durant la guerre civile, Getty dit avoir pris la tête de brigades armées dans le Sud libyen avec le grade de commandant de la section sud de l’Armée de libération nationale – il exhibe fièrement des photos de ses exploits, devant des colonnes de blindés ou en tête d’un défilé militaire, après la libération des villes de Mourzouk et de Sebha. Dans les décombres du régime déchu, il a aussi récupéré des monceaux d’archives secrètes – c’est une partie d’entre elles qui a été saisie chez lui. Par la suite, il a effectué des missions diplomatiques pour le CNT et coopéré avec ce qui restait du renseignement libyen, tout en rachetant des sociétés de sécurité et en projetant de développer un groupe pétrolier et une compagnie aérienne. En 2013, il s’est fait brièvement connaître en France en se portant candidat au rachat de la raffinerie en faillite Petroplus, en Normandie mais il n’a pu présenter les garanties nécessaires, son associé l’a lâché, son offre a été balayée et l’épisode s’est achevé dans la confusion. Aujourd’hui, Getty travaille pour le procureur général de Tripoli. Muni de lettres d’accréditation, d’un titre de « président de la commission des
affaires étrangères du comité national de lutte contre la corruption » et avec le concours d’un cabinet d’avocats international, il s’efforce de recouvrer les avoirs libyens détournés en Europe par le clan Kadhafi. Dans un rapport d’étape adressé aux autorités libyennes, il assure avoir identifié au moins quatre immeubles à Paris – dont la valeur est estimée à 250 millions d’euros.
Le 25 mars 2015, c’est avec l’assurance d’un officiel en mission que Jomode Elie Getty s’est présenté devant les gendarmes de la section de recherches de Paris, dans une caserne discrète aux murs de briques du XXe arrondissement. Mandatés par le juge René Cross, le magistrat chargé d’instruire la plainte de Nicolas Sarkozy, ces enquêteurs cherchaient à l’interroger depuis des mois pour compléter sa déposition de 2013 – sans doute aussi pour la vérifier. « Ils m’ont envoyé plusieurs mails », dit-il tout en précisant qu’il a été retenu par plusieurs longs séjours en Libye et qu’il n’était « pas pressé de remettre le doigt dans cette histoire ». Ce jour-là, sous serment, il a cependant complété son récit initial par une « analyse critique » du fameux document libyen et s’étonne que « personne ne l’ait fait avant [lui] » (une deuxième audition a eu lieu le 17 avril 2015, où il dit avoir apporté « d’autres précisions »).
« J’ai relevé au moins quinze fautes sur la note reproduite par Mediapart », m’a- t-il assuré. Le terme d’« anomalies » serait plus approprié : elles portent sur la syntaxe, l’orthographe de certains noms, la présence ou l’absence de détails dans la présentation. Par exemple, un code formé de lettres en bas à droite du document constitue selon lui la référence d’une base de données recensant « les demandes de visas pour VIP », donc sans rapport avec l’objet d’une note aussi sensible. En agrandissant cette mention, on constate distinctement qu’elle est suivie d’un pictogramme en forme d’ordinateur, ce qui paraît plus approprié pour un formulaire administratif que pour un mémo secret destiné aux plus hautes autorités de l’État (curieusement, cette mention est la seule à ne pas figurer sur la traduction française publiée par Mediapart).
L’ancien rebelle remarque en outre que le texte comporte « trois polices de caractères différentes » et que le nom de Nicolas Sarkozy, ministre de l’intérieur en 2006, n’est pas accompagné de son titre « alors que les documents officiels libyens sont toujours très protocolaires » (d’ailleurs, la note ne précise même pas que la campagne présidentielle qu’il s’agit de financer se déroule en France).
POUR JOmODE ELIE GETTY, LA SIGNATURE APPOSÉE SUR LA NOTE AURAIT ÉTÉ AJOUTÉE
après coup.
Pour appuyer ses observations, Getty a exhumé de ses propres archives collectées en Libye et apporté aux gendarmes la copie d’un rapport des services secrets libyens signé par le chef de cabinet de Moussa Koussa en janvier 2007 – soit quelques semaines à peine après la note de Mediapart : les différences de forme sont manifestes. La comparaison des deux pièces permet une constatation particulièrement troublante : sur le document publié par Mediapart, le cadre vert, les armoiries imprimées en en- tête (l’aigle de la Jamahiriya libyenne) et les tampons sont presque entièrement effacés alors que le texte, lui, est parfaitement net. Jomode Elie Getty y voit « la preuve que celui qui a fabriqué cette note voulait empêcher qu’on repère les inexactitudes ». Le contraste rend crédible, en tout cas, l’hypothèse selon laquelle le texte aurait été ajouté ultérieurement.
Toutes les recherches menées à Tripoli ont échoué à découvrir un document similaire à celui de Mediapart, encore moins un écrit portant la signature de Moussa Koussa. Au lendemain de l’article de Mediapart, le chef du Conseil national de transition libyen, Mustapha Abdeljalil, a affirmé qu’aucun élément de ce type n’avait pu être retrouvé au siège des services que dirigeait Koussa. Au reste, l’ancien homme fort de la sécurité libyenne avait la réputation d’être un homme très secret qui n’écrivait ni ne signait jamais rien – hormis les nominations de diplomates, après la sienne à la tête du ministère des affaires étrangères en 2009. Pour Jomode Elie Getty, la signature apposée sur la note de 2006 serait donc la reproduction ou l’imitation d’un paraphe officiel de Moussa Koussa figurant sur un arrêté de nomination, qu’une main inconnue aurait ajoutée au bas d’un courrier qui n’était pas de lui. Autrement dit : une falsification.
LES RAPPORTS du CONTRE-ESPIONNAGE
La thèse du montage, Jomode n’est pas le seul à y croire. La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), le service de contre- espionnage français, a évoqué cette possibilité dans un rapport interne daté du 30 avril 2013 (soit après que Nicolas Sarkozy eut quitté le pouvoir), désormais déclassifié à la demande de la justice. Elle se fondait alors sur un autre argument : « Suite à la publication de ce document [la note de Mediapart] deux sources du service bénéficiant d’accès distincts indiquaient que son formalisme apparaissait suspect, une saisine écrite et directe de Moussa Koussa à Béchir Saleh apparaissant tout à fait improbable au vu des usages administratifs ayant prévalu durant l’ère de la Jamahiriya. » Traduction : l’importance de Béchir Saleh au sein du pouvoir rend peu crédible qu’il ait pu recevoir une instruction de Moussa Koussa, a fortiori dans un domaine étranger à leurs compétences respectives (le premier supervisait les investissements libyens en Afrique, le second dirigeait un service de renseignement).
En 2013, Béchir Saleh m’avait livré une explication similaire. Je l’avais rencontré en Afrique du Sud, où il a trouvé refuge pour fuir un mandat d’arrêt international émis par la justice libyenne (voir le no 6 de Vanity Fair, daté de décembre 2013). À propos de la note et du financement politique qu’elle évoque, il m’avait répondu : « Je ne m’occupais pas de ces questions et à ma connaissance, Koussa non plus. Si jamais cette affaire avait existé, il aurait géré cela tout seul, sans passer par moi. » Pour lui, le sulfureux papier n’était rien d’autre qu’un « faux grossier ». Un télégramme de la DCRI remis à la justice précise par ailleurs que, selon des sources internes à la dictature libyenne, Moussa Koussa était à la même époque en train de « perdre toute sa puissance au sein de l’entourage du Guide » – l’un de ses fils, Seïf el-Islam, se vantait d’avoir enfin « réussi à avoir sa tête ». Or le télégramme en question est daté du 27 juin 2006, soit cinq mois et demi avant la note publiée par Mediapart, dans laquelle il est censé dicter des instructions à la garde rapprochée de Kadhafi. Si la DCRI a été bien renseignée, la contradiction paraît manifeste.
Le directeur de ce service sous la présidence Sarkozy, le préfet Bernard Squarcini, a été questionné par le juge en juillet 2014. Il a certifié n’avoir ordonné aucune vérification sur le document de Mediapart mais il a dit avoir su que la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) avait quant à elle « conclu à un faux grossier », selon une confidence de son homologue à la tête de ce service, Erard Corbin de Mangoux (étrangement, celui- ci n’a toujours pas été convoqué par les juges au moment où je termine cet article).
Avancée d’emblée par Nicolas Sarkozy et ses proches, la thèse d’un trucage destiné à lui nuire au moment de l’élection présidentielle ne peut être entièrement écartée. Le chef de l’État français, après avoir tenté un rapprochement spectaculaire avec la Libye en 2007 sur fond de contrats d’équipement civils et militaires, fut ensuite l’un des leaders de la coalition internationale dont les bombardements aériens ont précipité la chute de Kadhafi. À cette époque, son fils Seïf el-Islam, promettait à la télévision d’étaler les preuves de versements de fonds en sa faveur et le sommait de « rendre l’argent ». Cette menace n’a jamais été mise à exécution et Seïf el-Islam, emprisonné en Libye depuis la révolution, n’en a plus reparlé. Il n’empêche, nombre de partisans de l’ancien régime de Tripoli n’ont pas pardonné à Sarkozy son retournement. Or si le document compromettant a été fabriqué, il ne peut l’avoir été que par un familier de l’ancien pouvoir libyen.
Une autre thèse, voisine de la première, peut être avancée : certains anciens dignitaires kadhafistes, arrêtés à l’étranger après la guerre craignaient d’être extradés et jugés en Libye. Ils pourraient avoir cherché à se placer sous la protection de la justice française en promettant des preuves décisives pour les enquêtes en cours à Paris – quitte à mentir sur leur provenance ou leur authenticité. Après la fin du conflit, un étrange ballet d’émissaires officieux s’est organisé entre les kadhafistes exilés et les services de renseignement occidentaux. On marchandait des informations sur la dictature contre des sauf- conduits, des permis de résidence ou simplement l’assurance de ne jamais être jugé à Tripoli. Durant cette période, plusieurs hauts dirigeants déchus ont assuré en confidence qu’ils
détenaient les preuves de versements d’argent à des personnalités politiques françaises, dont Nicolas Sarkozy. Les rapports de la DCRI récemment déclassifiés indiquent par exemple qu’à la fin de 2011, l’ex- chef du protocole de Kadhafi, Mustafa Zintani, se faisait fort de « récupérer » des archives qu’il entendait « monnayer » contre une forte somme. Aucune de ces prétendues preuves n’a fait surface depuis lors.
En revanche, certains proches du colonel Kadhafi ont conforté l’accusation de financement occulte par des déclarations fracassantes. Après avoir jugé « crédible » le document de Mediapart puis l’avoir qualifié de « faux », Ziad Takieddine a maintes fois promis à la justice et à la presse d’apporter des confirmations irréfutables. Mais ses contradictions et ses volteface répétées l’ont largement discrédité, sans parler des malversations dont il est lui-même accusé. Plus solide, un interprète de Kadhafi, Moftah Missouri, a certifié en juin 2013 dans un documentaire diffusé par France 2 que la note dévoilée par Mediapart était authentique – en confiant cependant avoir entendu parler d’une somme inférieure : « Kadhafi m’a dit à moi verbalement que la Libye avait versé une vingtaine de millions de dollars. » Après s’être laissé filmer à Tripoli, devant les ruines de l’ancienne caserne présidentielle, l’ex- traducteur a séjourné en Allemagne puis cherché à établir des contacts avec les autorités françaises afin d’obtenir un statut de réfugié à Paris – en vain.
Jomode Elie Getty aussi fut approché en 2013 par les auteurs de ce documentaire. « Ils m’ont proposé de témoigner, m’a- t-il confié. Mais quand je leur ai dit que le document de Mediapart était un faux, ils n’ont pas donné suite. » (Le réalisateur du film, Romain Verley, m’a confirmé l’avoir sollicité puis renoncé à l’interviewer, mais seulement parce qu’il l’avait « trouvé étrange », sans nier l’avoir entendu dire que le document était faux.) À ce jour, Moftah Missouri n’a jamais été interrogé par la justice française. « Au début de l’année, j’ai reçu un appel d’un policier, m’a- t-il indiqué par téléphone depuis Tripoli. Il m’a demandé de le prévenir si je passais par Paris. Je lui ai proposé de le rencontrer en Allemagne, il m’a dit que ce n’était pas possible. En tout cas, je n’ai reçu aucune convocation officielle. »
L’agenda de Brice Hortefeux
témoigner à Paris, l’ancien premier ministre Baghdadi Mahmoudi l’aurait peut- être fait, lui, s’il n’en avait été empêché. Réfugié en Tunisie après la fin de la dictature, il a été extradé vers la Libye au mois de juin 2012, peu après que ses avocats eurent proclamé que lui aussi détenait des informations explosives, pour avoir « supervisé le dossier du financement de la campagne de Nicolas Sarkozy depuis Tripoli ». L’un de ses défenseurs allait jusqu’à affirmer que sa détention avait été ordonnée « à l’instigation du président français afin que les détails sur le financement de sa campagne ne soient pas révélés ». À l’évidence, Mahmoudi et son entourage escomptaient qu’une convocation d’un juge français vienne bloquer le processus d’extradition. Rien ne s’est passé comme ils l’espéraient et l’exchef du gouvernement libyen est toujours détenu dans son pays, en attente d’un jugement. (Il est poursuivi pour « meurtres » et « détournements de fonds ».) Mais aucun des éléments probants évoqués par ses avocats n’a été produit et trois ans plus tard, quand on s’interroge sur l’origine du document de Mediapart, c’est le nom de Mahmoudi qui est le plus souvent cité par les initiés des réseaux franco-libyens – hommes d’affaires, avocats, diplomates et agents d’influence que j’ai pu rencontrer, sans qu’aucun n’accepte d’être cité. Dans sa première audition par la police, en juillet 2013, Jomode Elie Getty lui-même estimait « que le créateur de cette note est l’un des avocats tunisiens de Baghdadi ».
Le 5 août 2014 à Doha, où il vit sous haute protection, l’ex-ministre libyen Moussa Koussa, signataire supposé de la fameuse note, a lui aussi désigné Baghdadi Mahmoudi. Dans une salle
de l’hôtel Four Seasons spécialement réservée par les services du procureur général du Qatar et en présence de deux de ses représentants, deux juges français ont questionné l’ancien chef des services de sécurité libyen sur le contenu et l’origine du document controversé. « Il s’agit d’un faux car la signature est fausse, a- t-il affirmé. (...) Je ne sais pas si quelqu’un a essayé d’imiter ma signature, ce n’est pas moi qui ai signé, ce document est un faux document.
– Qui, selon vous, serait à l’origine de ce faux ? lui ont demandé les magistrats. – Baghdadi Mahmoudi. » Selon le procès-verbal de l’audition, Moussa Koussa a ensuite ajouté : « Vous me demandez si je dispose de renseignements pour le mettre en cause ; oui, j’en ai mais ne m’introduisez pas dans cette histoire pour dire s’il l’a fait ou pas fait. »
Si Koussa a nié avec fermeté avoir signé un tel papier, l’interrogatoire s’est tenu dans une ambiance trouble. Nerveux, tourmenté et affaibli par une récente intervention chirurgicale (une ambulance l’attendait au bas de l’hôtel), l’ancien chef du contreespionnage libyen a refusé de reconnaître sa signature sur deux demandes de titre de séjour en France déposées en 2008 et 2009 (de fait, les signatures sont fort dissemblables d’un formulaire à l’autre) et tenu des propos lourds de sous- entendus – « le contenu de ce document, c’est ça qui est dangereux, a- t-il notamment déclaré. C’est à vous de savoir si c’est un faux ou un vrai. Je ne vous ai pas dit que c’était faux ou pas faux. Il y a ce qui est mentionné sur ce document et quelqu’un qui a mis une fausse signature en dessous, à vous d’enquêter. » Les juges sont donc revenus du Qatar avec aussi peu de certitudes qu’à leur arrivée.
Par la suite, une expertise graphologique commandée par le juge a conclu que la signature apposée sur la note était bien de la main de Moussa Koussa. Mediapart s’en est aussitôt félicité – « Un collège d’experts a authentifié sans aucune réserve un document planifiant une corruption étrangère au plus haut niveau de la République », proclamait le site le 17 novembre 2014. La réalité est nettement moins tranchée. Faute de pouvoir examiner la pièce originale (Mediapart n’en dispose pas), il est impossible d’exclure que ce paraphe ait été rajouté par montage. Au demeurant, les enquêteurs ont admis eux-mêmes, dans un rapport du 7 juillet 2014, qu’il était impossible de déterminer la vraie signature de Koussa, compte tenu du manque de fiabilité des modèles de référence. En décembre 2013, l’Institut de recherches criminelles de la gendarmerie avait d’ailleurs refusé de procéder à une telle expertise, arguant de « l’impossibilité d’un travail graphologique » sur ce document. (Les deux spécialistes de ce type d’analyses que j’ai interrogés m’ont certifié qu’il leur paraissait inimaginable d’arriver à une conclusion solide à partir d’un document qui n’est Le FugitiF Béchir Saleh, ex- directeur de cabinet de Kadhafi, photographié en 2013 pour Vanity Fair en Afrique du Sud. pas l’original. « C’est un travail totalement non- scientifique », a même jugé l’un d’eux. Aucun n’a accepté d’être cité, l’éthique leur interdisant de se prononcer officieusement sur une pièce examinée par la justice, m’ont-ils tous deux assuré.)
Au terme de minutieuses vérifications, une seule certitude semble s’être imposée : Brice Hortefeux, désigné dans la note comme l’un des participants à la réunion du 6 octobre 2006 où aurait été décidé le financement libyen, ne pouvait raisonnablement se trouver à Tripoli à cette date. Alors ministre délégué aux collectivités territoriales, le bras droit de Nicolas Sarkozy ne se déplaçait pas sans escorte ni protocole et les enquêteurs ont scruté ses agendas (ministériel, politique et personnel). Ainsi, il est acquis qu’il se trouvait en Bretagne le 5 octobre 2006, qu’il s’est envolé pour l’Auvergne (la région dont il est l’élu) dans la soirée et qu’il y avait des rendez-vous le lendemain matin. À supposer même qu’il ait modifié son planning officiel pour se rendre à Tripoli le 6, il aurait dû voyager de nuit au départ de Clermont-Ferrand, ce qui rend invraisemblable le scénario d’une équipée clandestine – sur un petit aéroport de province, son départ précipité n’aurait pu passer inaperçu. Pour cette raison-là au moins, le contenu du mémo peut- être mis en doute : si Brice Hortefeux n’a pas pris part à la réunion qui y est évoquée, c’est que le texte est mensonger.
articLe raVageur
Mediapart a été créé en 2008 par un groupe de journalistes pour être le premier journal d’enquêtes et d’opinion en France exclusivement diffusé sur Internet. Son directeur, Edwy Plenel, a été un journaliste d’investigation renommé puis un directeur de la rédaction du Monde inspiré, redouté et controversé. Clairement engagé à gauche, le site a publié sous sa conduite de nombreuses révélations sur les affaires politico-financières, sans épargner les socialistes (il a notamment révélé l’existence du compte caché du ministre Jérôme Cahuzac), mais avec une focalisation assumée sur Nicolas Sarkozy et ses proches – au point de publier avant l’élection présidentielle de 2012 une compilation d’articles sur les « faits et gestes de la présidence Sarkozy » sous ce titre explicite : Finissons- en ! ( Éditions Don Quichotte). C’est à peu près durant cette période que Jomode Elie Getty est entré en relation avec la rédaction de Mediapart.
Le jeune rebelle libyen cherchait un soutien pour dénoncer l’espionnage dont il disait avoir été la cible sur le sol français au temps du rapprochement franco- libyen. « Je me souvenais de ma plainte contre Kadhafi devant la Cour pénale internationale, explique- t- il. J’avais prévenu tous les médias. Quand je suis arrivé à La Haye dans ma Ford Fiesta, il n’y avait personne. » Cette fois, il ne veut pas être seul.
Un journaliste croisé lors d’une manifestation antiKadhafi l’introduit auprès de l’avocat William Bourdon, président de l’ONG Sherpa et habitué des combats – judiciaires et médiatiques – contre les dictatures. Getty a une bonne histoire et, mieux encore, il a des preuves. « Entre octobre 2011 et mars 2012, j’étais à nouveau en Libye, raconte- t-il. Dans les archives des services secrets libyens, j’ai retrouvé des rapports qui montraient de façon certaine que j’avais été placé sous surveillance à Paris, ainsi qu’une trentaine d’autres opposants. » Son idée est de déposer une nouvelle plainte, cette fois contre le directeur de cabinet de Kadhafi, Béchir Saleh, cité dans les rapports, et de mettre en cause le pouvoir sarkozyste « qui a forcément été complice ». Enrôlé dans la campagne de François Hollande et compagnon de route de Mediapart, William Bourdon le recommande à l’équipe d’Edwy Plenel.
Le 10 avril 2012, Mediapart consacre un long article aux découvertes de Jomode Elie Getty, sous la signature des deux mêmes journalistes qui publieront ensuite la note controversée, Fabrice Arfi et Karl Laske. Il est illustré d’une photo du jeune homme coiffé d ’un c hèche et d ’un d es r apports internes des services libyens qu’il leur a remis. À ce jour, ces documents restent les seules archives issues des services libyens jamais publiées dans la presse occidentale et dont l’authenticité n’est pas contestée. Mediapart traite alors Jomode avec les égards dus à un informateur. Lui et les auteurs de l’article se voient plusieurs fois, déjeunent, examinent ensemble à son domicile (un petit appartement dans le quartier de Montparnasse) les cartons rapportés de Libye. « Quand ils m’ont dit qu’ils s’étaient procuré un document et qu’ils voulaient me le montrer, j’ai trouvé ça normal », m’assure aujourd’hui l’opposant toubou (devant la justice, les deux journalistes, entendus sous le statut de témoin assisté, ont formellement nié l’avoir fait. Pour tout ce qui concerne l’origine de la note, ils se sont retranchés derrière le secret professionnel). La suite lui laisse un souvenir amer : « Ils attendaient de moi que je confirme, point. Ils voulaient m’utiliser. Ils sont partis fâchés et moi, j’étais mécontent. »
Le 28 avril 2012, à huit jours du second tour de l’élection présidentielle, Mediapart publie ses accusations contre Nicolas Sarkozy, assorties du fameux document. Jomode est dépité. Il se confie à des proches, parle « à quelques journalistes », aucun ne l’écoute. Dans le contexte politique, personne ne veut choisir un camp – le directeur de Mediapart, Edwy Plenel, déplore publiquement, pour sa part, le faible écho donné par les autres médias à ses révélations. Le 4 mai, pourtant, Getty se retrouve dans les locaux du site d’information. Il participe à un débat diffusé en vidéo sur les affaires franco- libyennes. « Je me suis fait avoir, juge- t- il avec le recul. Les gens de Mediapart m’ont fait croire que je pourrais défendre la cause des Toubous et dénoncer la traque des opposants. En fait, ils voulaient juste se réconcilier avec moi. Ils devaient avoir peur que je me répande dans Paris sur leur document.» Face à la caméra, la discussion tourne autour des relations Sarkozy- Kadhafi, de l’article de Mediapart et des soupçons de corruption. Visiblement tendu, Jomode reste silencieux, mâchoires crispées. Quand on lui donne la parole, il se borne à raconter l’espionnage dont il a été victime et les persécutions contre les Toubous. Pas une fois il n’est invité à commenter la note sur le financement de Sarkozy. Pourquoi n’avoir rien dit de lui- même ? « Ils ne m’ont accordé que quelques minutes, dit- il. Le temps que j’explique ce qui était important pour moi, l’émission était finie. »
Après cette nouvelle déconvenue, le jeune Libyen s’éloigne de Mediapart. Son avocat renonce à déposer la plainte qu’il projetait : « M. Getty ne disposait pas d’assez d’éléments précis, je n’ai pas pu l’aider », confie à présent William Bourdon. Au cours des mois suivants, Jomode effectue plusieurs allers- retours en Libye. Il tente de relancer ses affaires pétrolières, monte son dossier pour le rachat de Petroplus en France, obtient des lettres de crédit en Suisse, se fait recevoir à Bercy, se démène comme un diable mais échoue. La Libye est toujours en guerre, les factions rivales s’affrontent, le territoire est morcelé, il n’y a plus d’État ; comment présenter des garanties fiables au nom d’une société libyenne ? « On ne m’a pas pris au sérieux », peste- t- il. En juillet 2013, quand un policier l’appelle au téléphone, il tombe des nues. « Ils m’ont dit qu’ils voulaient me poser des questions mais ils ne m’ont pas dit sur quoi », se rappelle- t- il. Quelques semaines plus tard, la presse se fait l’écho de son témoignage qui fragilise Mediapart e t sert la défense de Nicolas Sarkozy. « À partir de ce moment, mes amis ont reçu des coups de téléphone étranges pour me dénigrer. On a répandu des bruits sur mon compte », assure- t- il. Début 2014, Mediapart publie une longue enquête à charge sur
« Mes amis ont reçu des coups de téléphone étranges. ON A RÉPANDU DES BRUITS SUR MON COMPTE. »
Jomode Elie Getty
lui, intitulée : « Argent libyen : le faux témoin de Sarkozy ». L’article est ravageur. Les journalistes exhument plusieurs plaintes déposées contre lui – par sa logeuse, son ex- compagne, d’anciens associés –, tournent en dérision ses ambitions d’homme d’affaires, lui reprochent d’avoir utilisé « de fausses identités » et vont jusqu’à présenter celui qui fut leur source comme « un habitué des fausses déclarations ».
« Cet article m’a fait du mal », confie- t- il aujourd’hui – il dit cela en redressant la tête et ses yeux lancent des éclairs. Des amis lui ont tourné le dos, des portes se sont fermées. « Avant 2011, j’ai eu des hauts et des bas, reconnaît- il. J’ai vécu du RSA ; il m’est arrivé de dormir dans des voitures. Cela ne fait pas de moi un homme malhonnête. Avec la chute de Kadhafi, tout s’était arrangé pour moi. Mais on m’a présenté comme un escroc pour me salir, m’empêcher de dire ce que je sais. Il en faut plus pour m’arrêter. Le combat ne me fait pas peur. » Ses soucis matériels sont derrière lui. Il a ses habitudes à Paris dans une résidence hôtelière proche de l’Opéra (« quatre étoiles », tient- il à préciser) et possède des biens en Libye qui lui permettent d’assurer sa subsistance – des stations- service, des fermes, des permis d’exploitation pétrolière. L’impossibilité d’effectuer des virements bancaires à partir de son pays l’oblige cependant à s’y rendre régulièrement pour y chercher de l’argent liquide.
ACTIFS IMMOBILIERS
Le chaos libyen et sa réputation contrastée ne facilitent pas sa mission officielle en France pour la recherche des avoirs illicites du clan Kadhafi. « Nous avons du mal à agir par la voie diplomatique normale, m’a confirmé l’avocat mandaté par le comité national de lutte contre la corruption, Me Olivier Paquereau. Nous avons trouvé porte close au ministère de la justice et les fonctionnaires des finances avec qui nous sommes en contact ne veulent pas s’engager. » Les investigations conduites par Jomode Elie Getty ont pourtant permis d’identifier au moins 1,5 milliard d’euros d’actifs immobiliers en Europe, dont 250 millions à Paris et le mandat émis en sa faveur par le procureur général de Tripoli est en voie d’être validé par les autorités de Tobrouk, ce qui ferait de l’ex- rebelle toubou l’un des rares émissaires travaillant à la fois pour les deux gouvernements rivaux qui revendiquent le pouvoir en Libye. « Quand j’aurais terminé ma mission, m’a- t- il dit, je quitterai la France. Je ne comprends pas comment fonctionne ce pays. J’ai l’impression que la vérité ne compte pas. » Il ne désespère pas de réussir dans le business du pétrole, envisage de s ’installer en I talie o u aux États- Unis. Sur l’affaire SarkozyKadhafi, si du moins il y en a une, il conclut ceci : « J’espère que, d’ici là, j’aurai aidé la justice à établir la vérité. Ça vous paraît possible ? » Je n’ai pas su quoi lui répondre. �