Vanity Fair (France)

« Chris roCk peut être trivial et subtil »

Tina Fey, l’actrice la plus drôle du cinéma américain, déclare sa flamme à l’humoriste star des derniers Oscars.

- Propos reCueillis par JaCky GoldberG

Cest mon comique préféré. hris Rock Quand j’ai commencé au Saturday Night Live en 1997, j’étais chargée d’écrire le faux journal TV, qui se doit d’être une machine à blagues – pas des mises en situation, mais vraiment des pures blagues, sur l’actualité. Croyezmoi, c’est ce qu’il y a de plus dur dans ce métier, parce que vous n’avez aucune béquille, rien sur quoi vous appuyer. C’est la meilleure des écoles, et si vous savez faire ça, vous savez tout faire. C’est à ce moment-là donc que j’ai commencé à me passionner pour Chris Rock, qui était alors en train de devenir une star du stand-up.

Son génie tient dans ce concept : par une blague, révéler une vérité, et être le premier à la révéler. Il dit un truc qui vous fait hurler de rire, et ensuite vous vous dites, “mais bien sûr, pourquoi n’y ai-je pas pensé avant ?” Être capable de formuler de telles vérités est le graal de la comédie, c’est ce que cherchent à atteindre tous les joke writers. Et c’est encore mieux si ça concerne un sujet sensible, si ça provoque un inconfort chez le spectateur. C’est la fonction la plus noble du rire à mon sens.

Un exemple ? Je me souviens d’un de ses sketchs il y a quelques années où il parlait de et du scandale

Bill Clinton Monica Lewinski. Et soudain il lâche ça : Bill Clinton est noir ; il a des problèmes avec sa femme, il a des problèmes d’argent, il a des problèmes avec la justice... bon sang, mais c’est bien sûr, il est noir ! Par la suite, la blague s’est répandue, et il n’est pas rare d’entendre parler de Clinton en tant que “premier président noir des États-Unis”... Je me souviens également avoir hurlé de rire lorsque Chris Rock fut le premier à noter que Michael

, lors de ses procès pour pédoJackso­n philie, se présentait systématiq­uement habillé en Captain Crunch [mascotte d’une marque de céréales pour enfants]... C’était délirant quand on y repense, mais personne avant Chris Rock ne l’avait aussi bien révélé et résumé en une vanne.

Ses meilleures blagues ont ceci de particulie­r qu’elles s’adressent à tous les publics, du moins cultivé au plus éduqué, avec différents niveaux de lecture.

Lorne [le mentor de Tina Fey, qui l’a Michaels fait entrer au Saturday Night Live, émission qu’il a créée et qu’il produit depuis 1975] a très bien décrit cela avec le concept de “high-low” (haut-bas). Il faut savoir être à la fois trivial, voire un peu vulgaire, et capable d’élever la blague par une référence un peu subtile ou un trait d’esprit.

J’ai rencontré Chris Rock pour la première fois au Saturday Night Live où il était invité, bien après avoir quitté l’émission dont il fut un des piliers au début des années 1990. Depuis, on se voit de temps en temps. Il habite dans le New Jersey, loin de l’agitation. C’est également un réalisateu­r brillant. J’ai beaucoup aimé son dernier film, Top Five, où il joue son propre rôle et fait une sorte de bilan de sa carrière à la fois drôle et sans complaisan­ce. En 2007, il a aussi réalisé le remake d’un film français : L’Amour l’après-midi d’ . Sa version à lui s’appelle

Éric Rohmer I Think I Love My Wife, et c’est la version afro-américaine de ce qui est, je crois, un classique du cinéma d’auteur français. C’est un mélange étonnant non ? C’est tout lui. » —

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Tina Fey et Chris Rock.

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