Vanity Fair (France)

« JOUER ELVIS, C’EST PRENDRE UN RISQUE »

L’acteur Michael Shannon raconte comment il s’est glissé dans la peau – et les habits de lumière – du King pour le film Elvis & Nixon.

- PROPOS RECUEILLIS PAR JACKY GOLDBERG

C’est Holly Wiersma, la productric­e du film, qui m’a apporté le scénario et proposé de jouer Elvis Presley. Au début, j’étais très réticent : je ne connaissai­s pas Elvis plus que ça, je ne lui ressemble pas du tout et c’est un tel mythe qu’on prend forcément un risque en le jouant. Et moi je n’aime pas décevoir. Mais Holly insistait, revenait régulièrem­ent à la charge... Puis la réalisatri­ce Liza Johnson, avec qui j’avais travaillé sur un film intitulé Return en 2011 [inédit en France], est entrée dans la danse et m’a expliqué sa vision du personnage et du film. C’est elle qui a finalement su me convaincre. D’abord en m’expliquant qu’il ne s’agirait pas d’imiter Elvis mais bien de l’interpréte­r. C’est-à- dire de laisser vivre l’espace qui existe entre lui et moi. Elvis a tellement été imité que ça n’aurait eu aucun sens de s’ajouter à la longue liste de ses sosies – il y a d’ailleurs une scène très drôle dans le film où j’en croise un, qui ne me reconnaît pas et se trouve plus ressemblan­t ! Ensuite Liza m’a expliqué qu’il ne s’agirait pas d’un biopic classique qui prétend raconter toute la vie du King, mais plutôt d’un film sur un événement bien précis. Pour être honnête, avant de lire le scénario, je ne savais pas qu’Elvis avait demandé à rencontrer Nixon en 1970 pour lui demander d’être agent des stups infiltré. Et je n’avais pas vu non plus la photo de cette rencontre. On ne sait cependant rien de ce que les deux hommes se sont dit, une fois seuls, dans le bureau ovale. Il n’existe aucun enregistre­ment et presque rien n’a été relaté par les intéressés. C’est donc ouvert à l’interpréta­tion.

Ce qui m’a le plus aidé pour la préparatio­n a été de rencontrer Jerry Schilling [joué par Alex Pettyfer dans le film], qui était un des meilleurs amis d’Elvis et qui est toujours vivant. On s’est baladés à Memphis, dans le quartier où ils ont tous les deux grandi, dans le stade où ils jouaient au foot, on a été à Graceland, dans les studios Sun... Il m’a montré tous ces lieux et à ses côtés, j’ai eu le sentiment de comprendre qui était vraiment Elvis. Bien que notre film adopte souvent un ton comique, il n’est jamais moqueur. Et ça, c’était essentiel aux yeux de Jerry, et du coup aux miens. Bien sûr, j’ai aussi regardé beaucoup des films d’Elvis, qui ne sont – certes – pas très fameux, des concerts, des conférence­s de presse... Enfin, Jerry m’a aussi fait écouter une interview inédite de quarante- cinq minutes. Je l’écoutais continuell­ement durant le tournage pour m’inspirer. On y entend un Elvis très sincère, ouvert à la discussion, qui ne joue pas un personnage. Au fond, c’était un type très simple, un working class hero qui aimait le football américain et la musique, mais aussi quelqu’un d’assez cultivé, qui lisait beaucoup, cherchait des réponses... Après ce film, mon opinion sur lui a changé. Ma chanson préférée du King ? Je crois que ça reste sa toute première, la plus pure, la genèse : That’s Alright. » —

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