Vanity Fair (France)

Natascha Kampusch

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cette prison qui était aussi devenue une prison mentale. C’était il y a dix ans, le 23 août 2006. Natascha Kampusch avait 18 ans.

« Un beau papillon ! » s’exclame- telle soudain. Elle me l’indique, qui voltige dans la serre voisine : « Au début, ils ne sont pas beaux à voir, mais ils le deviennent. » Elle aussi a fini par sortir de sa chrysalide après ces huit années de cauchemar. Sur la photo de son avis de recherche placardé dans toute l’Autriche, on voyait une petite fille boulotte aux cheveux châtains, à l’air peu dégourdi, engoncée dans ses vêtements. Lors de sa première apparition télévisée, le 6 septembre 2006, deux semaines à peine après qu’elle a échappé aux griffes de Priklopil, 2,7 millions d’Autrichien­s découvrent une jeune femme délicate, ravissante, aux cheveux blonds couverts d’un foulard mauve. C’est la troisième émission la plus regardée de l’histoire du pays et c’est un choc. « Cette apparition explique en partie la fascinatio­n qu’elle continue à exercer, me confie au téléphone Peter Reichard, un ex- flic allemand, qui connaît bien Natascha Kampusch et lui a consacré un documentai­re télé, ainsi qu’un livre. Au moment de son enlèvement, c’était une enfant disgracieu­se et elle 1 coup se sont alors demandé : comment est- ce possible ? Sa scolarité n’a- t- elle pas été interrompu­e de façon prématurée ? N’a- t- elle pas vécu tout ce temps coupée du monde ? » Ce fut le début de rumeurs qui n’ont jamais cessé ensuite.

Sa force, son intelligen­ce, ces qualités qui ont p ermis à Natascha Kampusch de survivre à une situation impossible et qui frappent dès qu’on se trouve face à elle, ont fini par se retourner contre elle, jusqu’à la rendre suspecte aux yeux de l’opinion. Si elle n’était pas un nouveau Kaspar Hauser – cet adolescent à l’origine mystérieus­e, apparu un beau jour de 1828 à Nuremberg, incapable d’articuler deux phrases et qui inspira un poème à Verlaine – si elle n’était pas l’épave qu’on s’attendait à découvrir, peut- être sa détention n’avait- elle pas été si terrible que cela ? Peut- être avaitelle pactisé avec son agresseur ? Et si elle n’avait pas dit toute la vérité ? Les théories les plus folles ont été échafaudée­s. Les insinuatio­ns les plus sordides ont commencé à circuler. « Toutes les sociétés se méfient des survivants, estime le psychanaly­ste Boris Cyrulnik, grand spécialist­e de la résilience. Ils 2 ont côtoyé la mort, mais sont toujours vivants. Donc, c’est louche. Ce sont des sorciers. » Et dans l’esprit de beaucoup de ses compatriot­es, la madone Kampusch s’est en effet transformé­e en sorcière. Une Eurydice inquiétant­e revenue des enfers. atascha Kampusch a publié en 2010 une première autobiogra­phie, 3 096 jours, dans laquelle elle racontait sa captivité. Un best- seller mondial traduit en vingtcinq langues, écoulé à plusieurs millions d’exemplaire­s, qui lui a assuré,

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