Vanity Fair (France)

Patrizia Reggiani

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À son arrestatio­n, les médias ont surnommé Reggiani « la Vedova nera » (la veuve noire) avant de multiplier les théories simplistes sur le mobile du crime : Patrizia était jalouse de la petite amie de Maurizio, se sentait délaissée, en voulait à son argent ou était simplement folle. S’il y a une once de vérité dans ce portrait, l’histoire est cependant plus complexe. « Reggiani était si fière de se présenter comme une Gucci que toute son existence reposait sur cette identité, même après leur séparation », poursuit la journalist­e Giusi Ferrè. Elle en voulait beaucoup à Maurizio 2 apparition dans le majestueux salon, vêtue d’une petite robe à fleurs. Toute menue, elle ne mesure guère plus d’1,50 mètre, même si ses hauts talons et sa spectacula­ire crinière auburn lui permettent de grappiller quelques centimètre­s. Pour détendre l’atmosphère, je lance un : « Jolie robe ! » « C’est Zara, me rembarre- t- elle. Je ne gagne pas assez pour acheter des vêtements dignes de ce nom. » Et de lancer un regard noir vers ses employeurs, qui font mine de ne pas entendre.

Elle s’assoit sur un canapé blanc et se rafraîchit d’un grand verre d’eau glacée. 3 La conversati­on glisse sur son quotidien à la prison milanaise de San Vittore. « Je pense être quelqu’un de fort parce que j’ai survécu à toutes ces années de captivité, me répond- elle dans un anglais d’ancienne jet- setteuse. J’ai dormi énormément, pris soin de mes plantes et me suis surtout beaucoup occupée de Bambi. » Bambi, son furet de compagnie... Elle avait envoyé son avocat au front pour négocier la présence du petit animal dans sa cellule. Elle n’aurait peut- être pas dû se montrer aussi insistante : Bambi a connu une fin tragique lorsqu’une codétenue s’est assise malencontr­eusement dessus. « Je n’aime pas parler de cette période, lâche- t- elle en changeant de sujet. Tout ça, c’était un mauvais rêve. » D’ailleurs, elle ne parle pas de « prison » mais de son séjour à la « résidence Vittore ».

Lorqu’on évoque sa jeunesse dans une petite ville près de Milan, elle se détend. Sa mère était serveuse ; son père, beaucoup plus âgé, avait fait fortune dans le transport routier. La famille avait de l’argent mais n’appartenai­t pas à la bonne société. Jeune, la petite Patrizia était déjà attirée par tout ce qui brillait. Son père la couvrait d’attentions, de manteaux d’hermine, de voitures de sport ; l’ambitieuse a fini par se faire une place chez les gens bien nés. « J’ai rencontré Maurizio dans une soirée et il est tombé fou amoureux de moi, raconte- t- elle. J’étais différente, pleine de vie. » Les Gucci débarquaie­nt alors de Florence et le jeune Maurizio n’avait pas encore marqué son territoire. « Il ne m’avait pas sauté aux yeux la première fois, soupire- t- elle. C’était juste un gentil garçon avec des dents de travers. » Elle avait d’autres prétendant­s mais le jeune héritier l’a ardemment courtisée, usant de tous les avantages dont un homme de sa fortune pouvait disposer.

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