Vanity Fair (France)

André Glucksmann

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mon meilleur ami depuis mes premières secondes sur cette terre, vient de mourir. » Au Père Lachaise, le fils retrace l’oeuvre du père et leur longue conversati­on interrompu­e ce 9 novembre lorsqu’André Glucksmann, atteint d’un cancer depuis longtemps, a quitté le déjeuner pour faire une dernière sieste. Avant de s’endormir, il est allé chercher dans sa bibliothèq­ue un livre en allemand sur sa famille. Il l’a tendu à Raphaël : « Tu comprendra­s que nous sommes et que nous resterons toujours des réfugiés. » Raphaël a demandé à son père d’écrire un article sur la France où, à l’âge de 12 ans, il avait choisi de rester, seul, au lieu de suivre sa mère en Autriche. Il a insisté : tu devrais raconter ta République, le droit du sol, les juifs de l’Est, les boat people... Son père, allongé, affaibli, lui renvoie un « non » pète- sec. « Je ne crois pas aux testaments », dit-il, athée radical et donnant l’indice qu’il sent la mort venir. « Tu voudrais que je montre que je continue à être de gauche, c’est ça ? Je ne le ferai pas sous cet angle. » La France ne

(à son fils, lors de leur dernière conversati­on)

retrouve dans leur appartemen­t parisien, rue du Faubourg- Poissonniè­re, l’ancien quartier des fourreurs, dans le Xe arrondisse­ment de Paris. Pas très loin du Bataclan. ix-neuf heures. La porte des Glucksmann est ouverte à tous vents, comme toujours. C’est un grand appartemen­t bourgeois en désordre, plein du butin d’un demi- siècle passé aux puces et dans les salles des ventes, où André adorait farfouille­r et trouver de quoi fabriquer de ses mains une collection de lampes uniques. Il y a des murs chargés de livres, de tableaux, de photos, et toujours de la place pour poser des matelas par terre. Proches et moins proches entrent sans frapper. Les gauchistes des débuts sont peu nombreux et l’ancien président de droite n’est pas là non plus.

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