Vanity Fair (France)

Edna O’Brien

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Il est né d’une apparition : celle du criminel de guerre serbe Rodovan Karadzic sur CNN lors de son arrestatio­n en 2008, voyageant incognito dans un autobus en partance pour la Mer noire. « C’était la métamorpho­se la plus remarquabl­e que j’ai jamais vue, dit O’Brien. Les images le montraient vêtu d’une robe noire, avec une queue- de- cheval, une barbe blanche, un cristal de guérisseur. Méconnaiss­able. Un saint. Il n’avait plus rien du bouffon massacreur en costume militaire qui avait assassiné et fait tuer des milliers de gens dans les années 1990. Pour moi, ça a été le déclic. Après des années passées à écrire sur les relations entre hommes et femmes, sur l’amour, je cherchais depuis quelque temps à témoigner, par la fiction, de certaines des horreurs qui nous entourent, des conséquenc­es de la barbarie et de notre impuissanc­e face à elle comme être humains, comme écrivains, comme citoyens. Quand je suis tombée sur ces images fascinante­s de Karadzic, j’ai su que j’avais un point de départ. »

Le roman s’ouvre dans une atmosphère de conte – un crépuscule, une forêt, la brume, un petit village d’Irlande où surgit le guérisseur en fuite. Karadzic, rebaptisé Vladimir Dragan, devient le gourou des habitants et séduit la naïve et mal mariée Fidelma. L’idylle s’achève avec l’arrestatio­n de Dragan pour génocide à l’instant même où Fidelma se découvre enceinte. De fable lyrique, le roman devient réaliste, révélant, dans un épisode d’une rare violence, son véritable sujet : le destin d’une femme ordinaire prise dans les filets de l’histoire. Chassée de son village pour adultère, exilée à Londres dans le monde souterrain des réfugiés, survivant de petits boulots, hantée par la haine, la terreur et la honte, jusqu’au

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