Vanity Fair (France)

« QUITTE À S’EXPOSER, AUTANT LE FAIRE AVEC DES GENS QU’ON AIME »

Rencontre avec Claire Denis à l’occasion de la sortie d’Un beau soleil intérieur.

- PROPOS RECUEILLIS PAR TOMA CLARAC

Edépit de sa frêle silhouette, Claire Denis en impose. Il l’oeuvre, bien sûr, aventureus­e, gracieuse, violente : comment oublier la sensualité cannibale de Béatrice Dalle dans Trouble Every Day ? Il y a le tempéramen­t, surtout, réputé orageux – elle admet sans mal avoir l’emportemen­t facile. Pourtant, le jour de notre rencontre, l’humeur de la réalisatri­ce est au beau fixe. Il faut dire qu’entre la rétrospect­ive que lui consacre la Cinémathèq­ue française, le film de science-fiction qu’elle tourne avec Robert Pattison et la sortie d’Un beau soleil intérieur, co- écrit avec Christine Angot, son automne a des allures de festival.

Juliette Binoche, mais aussi Gérard Depardieu, Xavier Beauvois, Josiane Balasko... Le casting d’Un beau soleil intérieur ressemble à une démonstrat­ion de force ! J’ai surtout choisi les gens à mon goût. Quand un acteur vient passer un jour ou deux sur un tournage, c’est très dur, surtout face à Juliette. Je me disais qu’en prenant des amis, des gens que j’apprécie, ça serait plus agréable, pour elle comme pour eux, que ça donnerait lieu à de vraies rencontres plutôt qu’à deux jours de tournage. Et puis je voulais des gens autonomes, pas soumis. J’ai choisi des acteurs qui ont d’autres activités : Xavier Beauvois et Josiane Balasko sont aussi réalisateu­rs ; Philippe Katerine est musicien... Le seul « acteur-acteur », finalement, c’est Nicolas Duvauchell­e. Et peut- être Gérard, mais Gérard est-il vraiment acteur ?

Vous avez l’habitude de vous entourer de proches. C’est une affaire de fidélité ? Oui. La fidélité est essentiell­e pour moi. On dévoile ses émotions en travaillan­t et, quitte à s’exposer, autant le faire avec des gens qu’on aime, sinon c’est cruel. Ça vaut pour moi comme pour les autres. Ici, on est dans un climat de confiance. Mais la fidélité dépasse le cercle de ceux avec qui je travaille presque systématiq­uement : je n’avais jamais dirigé Xavier Beauvois, par exemple, mais j’aime ses films, je le trouve beau. On est en accord, en quelque sorte, et c’est aussi une affaire de fidélité. Ce n’est pas une question morale, c’est une nécessité.

Votre héroïne cherche éperdument une histoire d’amour durable. N’avez-vous jamais craint de traiter d’un « sujet de société » ? Isabelle a un enfant, un ex-mari, mais elle n’a pas un âge précis. Elle ne représente pas une catégorie d’âge ou autre ; elle est dans un éclat. Je ne voulais pas d’un sujet de société ou de magazine. Je n’aime que les cas particulie­rs. Quand je repère un sujet de société dans un film, je tire le rideau. Avec Christine Angot, on s’est raconté nos histoires. C’était facile parce qu’on se connaît bien. J’adore les conversati­ons de bistrot. J’adore écouter Christine et j’aime tout autant lui raconter des choses. Il y a une pudeur dans nos échanges, mais aussi de la joie et beaucoup d’humour.

Le personnage d’Isabelle fait preuve d’une obstinatio­n remarquabl­e. C’est une qualité qu’on vous prêterait volontiers. Isabelle est artiste. Je pense qu’il y a des choses qu’on ne peut pas faire si on n’est pas obstinée. Dans certains métiers, mieux vaut ne pas essayer. Moi-même, je ne me sens pas forte, mais obstinée, oui ! J’aime ça, l’idée d’aller jusqu’au bout. C’est pour cette raison qu’on s’entend bien, Christine et moi, et que Juliette a si bien compris le personnage. L’obstinatio­n est nécessaire à certains modes de vie : personne n’a besoin que je fasse des films, il n’y a que mon obstinatio­n qui en a besoin.

Votre prochain projet est un film de science-fiction avec Robert Pattinson. Il paraît qu’il a insisté pour travailler avec vous. Il ne m’a pas démarché, mais il a voulu me rencontrer. Je pensais à quelqu’un de plus âgé pour le rôle. J’ai paniqué : quel intérêt de le voir puisque ça ne pouvait pas être lui ? Lui disait à son agent : “Si ça peut être moi !”

Encore un obstiné... Oui. Un jour, j’étais à Los Angeles pour rencontrer des acteurs et Robert, qui y séjourne de temps en temps, est venu me voir. On a parlé dans le jardin de l’hôtel. Pourquoi avait-il autant envie de travailler avec moi ? Ça m’angoissait presque. Puis j’ai lâché. C’est tellement facile de l’adorer ; il m’a plu tout de suite. Il m’avait déjà plu à la fin de Twillight – cette fin, oh là là ! Robert a quelque chose de très particulie­r. Il n’est pas seulement beau, il est mystérieux. —

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La rentrée de claire Denis : du beau travail.

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