CARRÉE VIP
Née au sortir de la Première Guerre mondiale, la Tank de Cartier a fait de son uniforme de métal et de peau le signe de ralliement du camp du goût.
La silhouette de la Tank fait partie des totems horlogers : son boîtier géométrique, ses index romains, son chemin de fer en noir et blanc parcouru par les aiguilles d’acier bleui ont marqué les époques, anticipé la naissance de l’Art déco et accompagné des générations d’influenceurs – femmes et hommes – du monde entier. La sobriété efficace de cette montre conçue pendant la Première Guerre mondiale serait inspirée de la silhouette d’un char d’assaut vu de haut. Une idée que
Pierre , à la tête du patrimoine et de l’image de Cartier et véri-Rainero table gardien du temple, tient à nuancer : « Contrairement aux idées reçues, ce n’est pas le fruit d’une rencontre soudaine entre Louis Cartier et un blindé. En réalité, elle est surtout la suite logique des travaux de recherche de Louis Cartier initiés avec la Santos, la première montre-bracelet dévoilée en 1904. »
À l’époque, l’appellation donnée n’est pas un enjeu marketing. Le nom d’une montre doit être le plus simple possible pour que tout le monde s’y entende. La Santos, par exemple, prend le nom de celui auquel elle est destinée, l’aviateur-aventurier . Au fil des années, la Santos s’af
Alberto Santos-Dumont fine et les différents modèles qui vont en découler sont baptisés comme les objets auxquels ils ressemblent : tonneau, tortue, baignoire... Lorsque la Tank est dessinée en 1917, les machines de guerre sont omniprésentes. La fonctionnalité de ces engins,
leur volume utilitaire et compact sont dans tous les esprits.
Louis nomme ainsi « Tank » ce nouveau modèle, dont les preCartier mières ventes datent en réalité de 1919. « Au fur et à mesure que la montre va s’affiner et s’allonger, la famille Tank s’élargit à la Galbée dès 1922 », poursuit Pierre Rainero.
Le modèle connaît immédiatement un beau succès et réussit même à franchir l’Atlantique pour trouver ses premiers admirateurs aux États-Unis. Parmi eux, , l’acteur et
Rudolph Valentino séducteur hollywoodien par excellence, en tombe littéralement amoureux. Il refuse même de la quitter en 1926 lors du tournage du Fils du cheikh, provoquant un anachronisme sidérant. Ainsi portée à l’écran, la Tank fait le tour du monde et devient rapidement l’un des fétiches des élégants, acteurs en tête, de à en passant
Gary Cooper Yves Montand par . Les fidèles seront rarement
Gunter Sachs venus d’horizons aussi différents :
Andy Wa, , (qui en rhol Mohamed Ali Truman Capote possédait pas moins de sept),
Boni de Castel, , , lane Yves Saint Laurent Giovanni Agnelli
... Au milieu des années Michelle Obama 1990, la Tank est inscrite si profondément à l’inventaire de l’élégance que le couturier
s’en empare et déclare à travers Jean-Charles de Castelbajac l’un des dessins dont il a le secret : « Si tous les tanks étaient fabriqués par Cartier, nous aurions le temps de vivre en paix. »
Sa silhouette androgyne, aussi indémodable qu’im médiatement reconnaissable, explique une bonne partie de son succès. Face à cet engouement, la Tank se devait d’évoluer, comme en témoignent ces différentes déclinaisons : « cintrée » et « chinoise » dès les années 1920, plus récemment « américaine » (1989), « française » (1996) ou « anglaise » (2012)... À l’occasion de ses 100 ans, la voilà proposée avec un mouvement automatique qui complète les versions à quartz et mécanique, sans lui faire perdre ses proportions magiques. Au panthéon du design, la Tank règne à côté des légendes : le Concorde, le flacon du no 5 de Chanel, la Glasshouse de Philip Johnson, la lampe Pipistrello de Gae Aulenti... —