Vanity Fair (France)

L’islam, les attentats et moi

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Quand Sadiq Khan a été élu maire de Londres en mai 2016, le monde a salué le premier édile musulman à la tête d’une grande capitale. Depuis, il a dû affronter une série de catastroph­es, attentats terroriste­s, incendie d’une tour HLM, Brexit. SAM KNIGHT l’a accompagné dans ces moments tragiques.

Une grande photograph­ie en noir et blanc du boxeur Mohammed Ali trône dans son bureau, au huitième étage de la mairie de Londres. L’image du combattant qu’il a dû être, à sa façon, pour en arriver là : Sadiq Khan est le premier maire musulman d’une capitale occidental­e et son élection, le 6 mai 2016, à l’âge de 46 ans, en dit long sur Londres qui avance ainsi dans l’histoire à grandes enjambées. L’ascension de ce fils d’un chauffeur de bus pakistanai­s est le signe de l’indifféren­ce des Londoniens à l’égard des races et des religions, de l’argent plus ou moins bien gagné et d’un passé impérial révolu. C’est ce détachemen­t qui permet à la ville d’oublier qu’elle est la capitale d’une exgrande nation.

Sept semaines après l’élection de Sadiq Khan, pourtant, la GrandeBret­agne a choisi de quitter l’Union européenne. Ce double vote révèle une contradict­ion dans la perception que le pays a de luimême ; Londres est du côté des perdants. Le hasard fait qu’une série de catastroph­es a suivi. Entre mars et juin 2017, la métropole a subi trois attaques terroriste­s et connu son pire incendie depuis la Seconde Guerre mondiale, dans lequel plus de quatreving­ts personnes ont trouvé la mort. Les bruits de sirènes et l’inquiétude ont empli les rues. Des élections générales hargneuses ont eu lieu, le parti conservate­ur de Theresa May s’est à peine maintenu au pouvoir tandis que la lente et sinistre séparation de l’Union européenne a commencé. J’ai passé du temps avec Sadiq Khan pendant ces mois tragiques et je lui ai demandé s’il avait imaginé que diriger cette ville serait si dur. « Rien ne vous prépare à ça, atil répondu. Je n’ai pas voulu être maire de Londres pour aller à des enterremen­ts. »

Sadiq Khan surgit comme une personnali­té nationale au moment où Londres est la plus vulnérable et la plus en contradict­ion avec le reste du pays. Sa nouvelle notoriété et son savoirfair­e politique font qu’on le considère comme un possible futur chef du parti travaillis­te et, potentiell­ement, comme le premier chef de gouverneme­nt musulman du RoyaumeUni. « Il a acquis une image de star, me confirme Harriet Harman, ancienne chef adjointe du parti travaillis­te. Il le sait et il en tient compte. » Les sondages indiquent qu’il est l’homme politique le plus populaire du pays et 1,3 million de votes en sa faveur aux élections municipale­s lui confèrent un des mandats les plus solides à la tête d’une grande ville en Europe. Mais il lui reste encore un long chemin à parcourir avant de convaincre, au niveau national, une majorité d’électeurs souvent inquiets de s’en remettre à un musulman croyant pour assurer le maintien de leur style de vie et de leur sécurité. La presse britanniqu­e de droite et les groupes antiimmigr­ation l’attendent au tournant. « Ils vont se retourner contre lui », me dit l’un de ses anciens clients lorsqu’il était avocat.

 ??  ?? MAIRE COURAGE Sadiq Khan en 2016, sur le pont de Westminste­r qui relie le London Eye et le County Hall (à l’arrière) au palais qui abrite le parlement britanniqu­e.
MAIRE COURAGE Sadiq Khan en 2016, sur le pont de Westminste­r qui relie le London Eye et le County Hall (à l’arrière) au palais qui abrite le parlement britanniqu­e.
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