Modiano fait du data.
Retour en dates, en sommes et en mesures sur la vie et l’oeuvre du prix Nobel de littérature.
Modiano est une énigme. Depuis toujours, l’écrivain de 72 ans cultive l’art du secret et montre les crocs dès qu’on tente par effraction de se glisser dans sa peau (il s’était indigné de la parution d’Oublier Modiano de Marie Lebey, chez Léo Scheer en 2011). Il n’est pas aisé de faire le lien entre « l’enfant de la guerre » né sous l’Occupation, le rejeton du babyboom, journaliste à Vogue, parolier (il signe à la fin des années 1960 des chansons pour Françoise Hardy et Sheila), scénariste (il travaille avec Michel Audiard), jeune écrivain surdoué qui publie son premier livre à 23 ans, lauréat du Goncourt (en 1978 pour Rue des Boutiques obscures, Gallimard) puis du Nobel en 2014... Mais son statut d’auteur culte, Modiano le doit peut- être encore plus aux ombres qui émaillent sa vie : une zone floue autour de sa date de naissance (il aurait pris celle de son frère cadet, mort prématurément, pour continuer à le faire vivre) ; son enfance au côté d’un père abonné au marché noir et aux petits trafics ; et, bien entendu, la confusion entre sa vie et ses fictions inquiétantes peuplées de personnages louches. Depuis quelques années, le mystère Modiano tend à s’éclaircir : plus prompt à se livrer, il déploie dans ses deux derniers romans – L’Herbe des nuits et Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier – une réflexion sur l’art d’écrire. Souvenirs dormants est explicitement autobiographique : le « détective métaphysique », comme le nomme son épouse, y dresse un inventaire des rencontres féminines marquantes de sa jeunesse, prétexte à une nouvelle et vertigineuse déambulation spatio- temporelle dans Paris. —