Vanity Fair (France)

Des décennies d’incompréhe­nsion empêchent le président et la chancelièr­e d’avoir une relation harmonieus­e. MARION VAN RENTERGHEM a rencontré l’ambassadeu­r allemand qui, à Paris, tente de dissiper les malentendu­s entre le Jupiter français et la Mercure ult

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e 9 mai, l’ambassadeu­r d’Allemagne en France s’était enfui loin de tout. En cette journée de fête européenne, et à la veille de la remise du prix Charlemagn­e à Emmanuel Macron, à Aix-laChapelle, en présence d’Angela Merkel, Nikolaus Meyer-Landrut me téléphonai­t en marchant dans un endroit perdu, quelque part à la limite de la Savoie et de l’Isère. J’entendais sa voix qui s’essoufait et ses pas qui craquaient sur la terre pendant qu’il m’expliquait la position allemande dans son français parfait, avec son sens invétéré de l’exactitude.

La chancelièr­e à laquelle il est dévoué depuis tant d’années ne l’a même pas dérangé pour commenter le discours du président français, qui n’a pourtant pas mâché ses mots. Ils étaient prévenus : le lendemain, Emmanuel Macron allait secouer sans ménagement une Allemagne prisonnièr­e de son « fétichisme » des excédents budgétaire­s et qui s’obstine jusqu’ici à rejeter les propositio­ns françaises pour fortifier l’Europe. Il en faut plus pour inquiéter Mme Merkel et son ambassadeu­r, l’un de ses plus fidèles adjoints : en matière de malentendu­s et de déceptions entre la France et l’Allemagne, ils en ont vu d’autres. « Le fait, que, d’un côté, le président ait prononcé très tôt son grand discours sur l’Europe à la Sorbonne et que, de l’autre, la chancelièr­e ait mis des mois à constituer un gouverneme­nt, a engendré une frustratio­n et donné, à tort, l’impression que les Allemands ne répondaien­t pas aux attentes françaises », résume le diplomate avec ce flegme réservé, courtois et pince- sans-rire qui plaît beaucoup à Angela Merkel.

Je profite d’un entre- deux soufes pour le relancer : « Vous, les Allemands, vous n’êtes jamais contents ! Voilà près de vingt ans que vous vous interrogez sur l’aptitude de la France à se réformer, sur sa difficulté à adapter son économie et son État-providence à la mondialisa­tion. Et maintenant que les Français élisent le président dont vous rêviez, un social- démocrate libéral à l’allemande comme vous l’aimez, vous envoyez bouler ses propositio­ns européenne­s et vous reculez sur tout !

– Vous verrez que vous vous trompez, rétorque-t-il poliment. On arrivera à une position commune sur l’Europe. Le résultat ne sera, comme d’habitude, ni le point de départ français ni le point de départ allemand. C’est une question de patience et de compromis.

– On a rêvé sur le couple Macron-Merkel ; on regrette déjà Mitterrand et Kohl !

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