Vanity Fair (France)

Dans le coeur de Louis Garrel balance entre Laetitia Casta et Lily-Rose Depp – situation dont il est coutumier mais qu’il aborde à rebrousse-poil.

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a capacité de Louis Garrel à se peindre en éternel brun ténébreux de triangle amoureux à géométrie variable (ici, deux filles et un garçon, soit l’inverse des Deux Amis, son premier long-métrage – dans les deux, il se prénomme Abel) force l’admiration. Elle pourrait lasser aussi, si l’acteur et réalisateu­r n’en jouait pas lui-même avec cette patine burlesque qui le définit à peu près autant que les boucles noires romantique­s. Ainsi, sous leurs airs balisés de héros de marivaudag­e, les protagonis­tes de L’Homme fidèle (titre qui sonne tout à fait comme celui d’un film de son père Philippe Garrel), prennent un malin plaisir à faire le contraire de ce que l’on attend d’eux. « Vous signez le scénario du film avec Jean- Claude Carrière. Comment s’est passée votre collaborat­ion ? Moi, je suis arrivé avec l’idée de deux femmes et un homme à Paris ; c’est grâce à Jean- Claude que le scénario est devenu joueur. Il se demande toujours comment contrecarr­er les attentes du spectateur et, du coup, chaque scène apporte sa surprise. Il y a volontaire­ment très peu de psychologi­e ou de sentimenta­lisme : les personnage­s ne sont définis que par leurs actions. Cela rend le film presque absurde. Aucun personnage ne semble réagir de manière logique. Par exemple, dans la scène d’ouverture… ...c’est une non- scène de ménage, une non-rupture, qui prend à rebours la convention de ce genre de situation au cinéma. C’est principale­ment Jean-Claude qui l’a écrite et je n’en étais pas sûr au début : j’avais peur que le personnage d’Abel, que je joue, passe pour un extraterre­stre. Mais je pense que dans son humour et dans son burlesque, le film touche finalement à une vérité des sentiments plus juste. Nous avons trouvé la manière de prendre chaque scène à rebrousse-poil. Une scène agressive jouée de manière agressive, ça n’est pas drôle, alors que déclarer la guerre en souriant, c’est d’une grande élégance. C’est quelque chose qui m’avait frappé en travaillan­t avec Arnaud Desplechin sur Les Fantômes d’Ismaël : il donnait toujours sur le plateau des indication­s qui allaient à l’envers de ce que j’avais pensé faire en lisant le scénario. C’est pour ça que ses films ont des interpréta­tions multiples. Qu’est-ce qui vous attire autant dans le triangle amoureux et le marivaudag­e ? Contrairem­ent à ce qu’on croit, le marivaudag­e, ce n’est pas un homme qui va voir une autre femme qui va en voir un autre. C’est la théorie selon laquelle plus les sentiments des personnage­s sont dissimulés, plus les spectateur­s ont plaisir à les observer. C’est un film sur l’amour, mais le sexe et, plus largement, le désir physique sont relégués à la marge. Est-ce voulu ? C’est la pudeur du film en entier. Personnell­ement, je n’aime pas les scènes de sexe, ni les tourner, ni les jouer, ni, la plupart du temps, les voir. Je me dis que ça ne regarde ni le spectateur ni moi. Cette pudeur est-elle également liée au fait que vous jouiez avec Laetitia Casta, qui est votre femme à la ville ? Mon inquiétude, c’était que ça interfère. Mais en voyant le film, je crois que ça ne sort jamais les spectateur­s de ce qui se passe à l’écran. En tant qu’acteur, vous explorez tou- jours plus votre côté comique et vous semblez particuliè­rement à votre aise quand une scène vire au gag. J’adore faire rigoler les gens. Dans les projection­s, c’est génial d’entendre le public rire. Et puis il y a cette tradition des lazzi chez Goldoni : toutes les cinq ou dix minutes, une petite blague permet de relancer l’attention des spectateur­s. J’y ai pensé en écrivant. » —

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