De Venise aux Oscar, Netflix s’est lancé dans une quête effrénée aux statuettes pour attirer les plus grands cinéastes.
mmys, oscars... La première chose que l’on voit quand on entre dans l’immense bâtiment de verre de Netflix sur Sunset Boulevard à Los Angeles, ce sont elles. Les statuettes remportées par le service de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) affichées en vitrine. Et voilà que le palmarès du géant américain s’est enrichi ces derniers mois de quelques trophées de prestige. À la Mostra de Venise, La Ballade de Buster Scruggs des frères Coen, désormais disponible sur la plateforme, est reparti avec le prix du meilleur scénario. Roma d’Alfonso Cuarón a, lui, remporté le lion d’or du meilleur film. Il sera accessible sur Netflix à compter du 12 décembre. Ce tour de force s’est ensuivi d’un second quelques jours plus tard. Pour la première fois de son histoire, Netflix est arrivé en tête du nombre de récompenses remportées aux Emmy Awards, les Oscar de la télévision, ex æquo avec HBO (vingt-trois statuettes, dont seize prix techniques). « Le fait que tant de titres et de formes différents aient été primés me rend particulièrement fier du travail de nos créateurs et de nos équipes », s’est réjoui Ted Sarandos, le numéro 2 de l’entreprise.
Ces succès ne doivent rien au hasard. Ils sont le résultat des investissements colossaux réalisés par la plateforme en matière de contenus – on parle de huit milliards d’euros par an, dont une part croissante consacrée à des productions exclusives. Mais aussi d’une stratégie délibérée. Le géant de la SVOD a d’ailleurs lancé il y a quelques semaines le site awards.netflix.com qui recense la vingtaine de films de fiction et de documentaires potentiellement éligibles avec le détail de toutes les catégories.
Dans un marché de plus en plus concurrentiel avec l’arrivée prochaine de plateformes Disney, Warner ou Apple et la montée en puissance des offres de Facebook et de Youtube, les récompenses sont un indicateur important de la qualité du contenu proposé aussi bien à destination des artistes que du grand public. La stratégie agressive de Netflix veut montrer que la plateforme est capable de défendre le travail de ceux qui collaborent avec elle et qu’elle propose les meilleurs films et séries du moment afin d’attirer de nouveaux abonnés.
Pour Jeff Wlodarczak, analyste à la tête de la société Pivotal Research, le lion d’or obtenu à Venise par Roma est un signal important. « Netflix a démontré que l’on pouvait remporter un prix majeur tout en étant sur leur plateforme. Cela va aider à attirer d’autres grands noms. Pour ce qui est des abonnés, toutefois, un seul film ne suffira pas à changer l’image du service, même si ça ne peut pas lui faire de mal. » Le long-métrage d’Alfonso Cuarón, déjà oscar du meilleur réalisateur pour Gravity, permettra- t-il enfin à Netflix de percer à la grande cérémonie du 24 février et de s’imposer comme un grand de Hollywood respecté à part entière ? Matt Neglia, rédacteur en chef du site Next Best Picture, y croit. « Netflix investit beaucoup d’argent pour que le film soit vu dans de nombreux festivals et dans quelques salles un peu partout dans le monde [une centaine, d’après Deadline]. Ils veulent écrire l’histoire en faisant de Roma le premier long-métrage étranger à remporter l’oscar du meilleur film. La partie est loin d’être gagnée, mais Netflix a déjà au moins remporté la bataille de la crédibilité auprès de ceux qui les méprisaient encore. » Et quelques prestigieuses statuettes à ajouter en vitrine. Suffisant pour faire taire les dernières voix qui proclament que Netflix, ce n’est pas du cinéma ? —