Vanity Fair (France)

LE TEMPS réconcilié

L’architecte d’intérieur India Mahdavi publie sa première monographi­e. Rencontre avec une femme dont la vie, faite de collisions entre Orient, Europe et États-Unis, imprime son élégance hors norme sur le monde d’aujourd’hui.

- Texte Pierre Groppo

Un drôle d’éléphant en résine veille sur le palier du quatrième étage du musée social, institutio­n vouée à la cause des travailleu­rs et installée dans le cossu VIIe ar rondis sement de Paris. Tous les jours, l’architecte d’intérieur India Mahdavi croise le pachyderme. Normal : la porte de son bureau est juste à côté. Depuis plus de vingt ans et son départ du studio du roi de la noncouleur, Christian Liaigre, cette femme élégante jusqu’au bout des doigts habillés de bagues Charlotte Chesnais et Elie Top a imposé une nouvelle esthétique, quasipop, faite de formes rondes, de volumes dodus, d’une palette chromatiqu­e volontaire­ment affirmée. Ladurée à Genève, Tokyo et Beverly Hills, le restaurant Cavallino à Modène, le Café français place de la Bastille à Paris, le club de poche Chez

Nina, à Milan, et bien sûr la brasserie rose en overall du Sketch, à Londres, portent tous sa marque de fabrique. Un chic plein de confort et de fantaisie, à mille lieues de ce qu’on attend d’une héritière du grand style français installée dans les beaux quartiers de la capitale.

Élevée à Bugs Bunny

India Mahdavi n’est pas française stricto sensu. « Je suis plurielle », ditelle, avant d’ajouter : « Ce sont les manques qui vous construise­nt. » Née à Téhéran d’un père iranien et d’une mère égyptienne, bientôt partie aux ÉtatsUnis, visuelleme­nt élevée dans la culture pop de dessins animés aux teintes saturées et aux lignes simplifiée­s ( pensez : Bugs Bunny), elle atterrit quelques années plus tard à Heidelberg, en Allemagne. « Arriver en Europe, c’était passer de la couleur au noir et blanc. J’ai retrouvé ensuite la lumière à Vence, mais la France non plus n’est pas le pays de la couleur. »

Depuis lors, l’architecte d’intérieur n’a de cesse de recomposer cette atmosphère d’enfance, futelle celle de l’exil. « Je crée des lieux de vie, mais surtout des souvenirs pour celles et ceux qui y passent », affirme l’architecte qui a débuté bien avant qu’Instragram ne devienne la plateforme obligée de lieux dopés aux filtres aussi intenses que des injections de stéroïdes. India Mahdavi, ce sont d’abord des univers oniriques pour adultes chez qui elle éveille le goût du temps perdu, dans une collision singulière de treillages versaillai­s façon MarieAntoi­nette, de maisons de pain d’épices à la Hansel et Gretel et des drôles de fous du volant signés HannaBarbe­ra. Des univers hautement cinématogr­aphiques aussi, dont la photogénie est poussée à l’extrême, à l’image

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India Mahdavi dans son bureau. De chaque côté, un tabouret Bishop.

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