« On peut être n’importe qui sur scène. Une chaise, un dieu, une ordure, une mite. »
Pendant les vacances, ils la confient aux grands-parents : « J’étais une Robinsonne Crusoë sur l’île de mon Fernand », dit- elle en évoquant son grand-père adoré, ancien prisonnier de guerre, revenu à pied de Biélorussie à l’issue d’un périple de six mois. Il lui a donné goût de la nature et appris à tisser des arcs en osier. « Lorsque j’entends Gérard Depardieu parler de son père, ça me fait penser à lui. Il s’exprimait en patois béarnais et inventait des expressions. Il appelait ses poules “Citoyennes !” Et elles arrivaient toutes en courant. » Très vite, la petite Laure gagne une réputation de garçon manqué. Les robes de fillette ? Très peu pour elle. Elle préfère porter une peau de bête, à l’instar du protagoniste de la mini- série de son enfance, Silas. Devant moi, elle fait mine de s’emmitoufler dans une grande étole :
« Je devenais l’héroïne de ma vie.
– Vous trouviez ça réconfortant ?
– Non, c’était plutôt une armure. »
La conversation prend un tour inattendu. Gamine, me dit- elle, elle fantasmait d’être réduite à un état animal, se rêvant en lynx ou en oiseau pour voyager au gré de ses désirs. À sept ans, elle chantait debout sur la table, équipée d’une boîte à musique construite de pare mentalement à se défendre, si nécessaire. Je pense aux escapades marseillaises de Simone de Beauvoir, dans La Force de l’âge, le deuxième tome de son autobiographie publié en 1960. Après une frayeur en autostop, elle avait écrit : « Loin de me donner une leçon, cette petite histoire fortifia ma présomption. Avec un peu de vigilance et de décision, on se sortait de tout. Je ne regrette pas d’avoir longtemps nourri cette illusion, car j’y puisai une audace qui me facilita l’existence. » Laure Calamy acquiesce : « C’est un peu aussi ce que raconte Virginie Despentes dans King Kong Théorie. »