Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Syrie : la fin des grands principes

- Par DENIS JEAMBAR

C’est une page d’histoire centenaire qui, sans doute, se tourne au Proche-Orient. Les accords Sykes-Picot, signés à Londres le  mai , puis le mandat attribué à la France et à la GrandeBret­agne par la Société des nations en juillet  pour permettre l’accès à l’indépendan­ce des pays arabes délivrés de la tutelle de l’Empire ottoman, ont fait de ces deux puissances européenne­s des acteurs majeurs de la région pendant des décennies. Ayant alors reçu mandat sur la Syrie et le Liban, la France n’a jamais cessé de considérer qu’elle avait un rôle à jouer dans cette partie du monde, y compris après l’indépendan­ce définitive de ces deux pays en . C’est donc le poids de l’histoire tout autant que la menace de l’Etat islamique qui éclairent la volonté de François Hollande de peser sur le conflit syrien actuel. Mais le vent, aujourd’hui, tourne et la France, après la Grande-Bretagne, semble perdre pied dans cet Orient si compliqué. Le chef de l’Etat, pourtant, y a mis du sien pour exister dans la partie internatio­nale en cours ! Notamment, en engageant nos forces aériennes dans la coalition anti-Daesh en Irak et en décidant, récemment, de frapper aussi l’Etat islamique en Syrie. Mais force est de constater que notre pays voit son influence se diluer dans le scénario qui se dessine. Un fait est passé presque inaperçu vendredi dernier. Un sommet consacré à la guerre en Syrie s’est réuni à Vienne avec quatre participan­ts seulement autour de la table : la Russie, les Etats-Unis, la Turquie et l’Arabie saoudite. Certes, la France a réagi et organisé, hier soir au Quai-d’Orsay, une rencontre plus large mais sans la Russie. Autant dire sans une puissance qui est devenue centrale au ProcheOrie­nt et sans laquelle aucune solution ne peut aboutir. Il ne s’agit pas de minimiser la réunion d’hier à Paris mais, de fait, c’est à Vienne que se sont déroulés les débats les plus importants car les quatre pays présents ont entre leurs mains, avec l’Iran, les clés de l’avenir du Proche-Orient tant ils ont d’intérêts à y défendre. La France, dans ce conflit, s’en tient à un discours sur la démocratie, les droits de l’homme et fait du départ du tyran de Damas, Bachar al-Assad, un préalable à toute discussion. Cette posture est respectabl­e mais elle marginalis­e notre pays. Elle l’oppose radicaleme­nt à Vladimir Poutine, soutien de toujours de Bachar al-Assad pour préserver les implantati­ons militaires russes dans la zone. Elle éloigne aussi la France de ses alliés américains plus pragmatiqu­es et plus souples dans la discussion. En vérité, le réalisme triomphe comme souvent des grands principes. On peut le regretter mais c’est une règle vieille comme le monde : la diplomatie ne se fait pas qu’avec des bons sentiments.

« La France, après la Grande-Bretagne, semble perdre pied dans cet Orient si compliqué. »

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