Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
L’hémorragie
Ils sont Républicains ou centristes. Proches de Le Maire, de Juppé, de Sarkozy, de Copé ou de François Fillon lui-même. Ils sont députés, sénateurs, maires, cadres du parti, quelquefois impliqués au plus haut niveau dans la campagne. Par un communiqué à l’AFP, une signature au bas d’un appel ou par un simple tweet, ils quittent un à un le navire et tournent le dos à François Fillon. Hier soir, ils étaient cinquante-sept sur le « compteur des lâcheurs » de Libération. Demain, combien ? Ce ne sont plus des défections, c’est une hémorragie. Une débandade. « Les élus, on fera sans eux », a lancé le candidat, bravache. A Nîmes, ils étaient plus de trois mille supporteurs à l’acclamer. Chauffés à blanc. « Fillon Président ! » La preuve que la base «tient», veut-on croire dans son entourage. La réponse du peuple de droite à l’appel des maires adjurant François Fillon de se retirer. Mais lui, peut-il tenir ? Jusqu’à quand ? Pour le triomphateur de la primaire, celui à qui, il y a quelques semaines encore, il y a une éternité, la victoire à la présidentielle semblait promise, cette campagne tourne au chemin de croix. En dramatisant, mercredi, l’annonce de sa convocation devant le juge, il espérait galvaniser les troupes et obliger la famille républicaine à faire bloc autour de lui. Il n’a réussi qu’à faire éclater au grand jour la fronde qui mijotait à bas bruit. L’annonce du rassemblement du Trocadéro a encore ajouté au malaise : « irresponsable », disent les frondeurs, on ne peut pas en appeler à la justice populaire contre l’institution judiciaire, garante de l’Etat de droit. Les mots sont presque les mêmes que ceux de… François Hollande. Voilà Fillon, l’homme tranquille de la Sarthe, accusé de jouer avec le péril populiste. Sans doute, dans la tempête, l’homme montre une détermination qui impressionne. On ne lui savait pas le cuir aussi épais. Mais là où ses partisans voient du courage et de la force d’âme, ses ex-soutiens ne voient qu’obstination. L’aveuglement d’un homme déconnecté des réalités et qui, par son entêtement, portera demain la responsabilité d’avoir fait perdre une élection imperdable. Journée folle. Une de plus. Paris n’est que rumeurs, tractations, supputations. Le plan B tourne dans les têtes et les conversations, comme une guêpe affolée. Qui pour remplacer Fillon ? Dans quelles conditions ? On dit que Nicolas Sarkozy serait prêt à valider le « plan J» – J comme Juppé –, si un consensus se dégage. On dit que le maire de Bordeaux se tiendrait prêt à faire don de sa personne. Mais il ne veut pas être celui qui portera le coup de grâce. On dit, on dit… Pendant ce temps, l’heure tourne. Le calendrier s’accélère. Plus que seize jours avant la clôture des candidatures ; cinquante-deux avant le premier tour. Est-il temps encore de changer de champion ? Le remède ne serait-il pas pire que le mal ? Sur les réseaux sociaux, la fébrilité est à la mesure de la peur de perdre qui s’est emparée des électeurs. On s’invective, on s’injurie. Les mutins sont cloués au pilori par les fidèles du candidat. Des « traitres » ,des « lâches ». Damien Abad, un proche de Fillon, vitupère ces « girouettes qui quittent le navire ». C’est drôle. Mais personne n’a envie de rire. « Jusqu’à présent, ce sont les socialistes qui faisaient monter le Front national, maintenant c’est nous. J’ai honte de ma droite », twitte Gérald Darmanin. Tout est dit. C’est une crise, une vraie. Une famille qui se déchire. C’est violent, pathétique. Un traumatisme comme la droite n’en avait pas connu depuis la guerre Fillon/Copé de l’automne . Comme elle croyait ne plus jamais en connaître. Il y a de la haine là-dedans , du chagrin. Des plaies mal cautérisées qui recommencent à suppurer, des souvenirs qui remontent à la surface. et l’appel des , , , , la litanie des divisions qui ont fait tant de mal à la droite. Est-ce que le cauchemar va revenir ?
« Cette campagne tourne au chemin de croix pour François Fillon. »