Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
«L’homme providentiel n’existe pas»
L’un travaille, l’autre étudie. Deux jeunes Toulonnais regardent avec intérêt et esprit critique une campagne présidentielle où leurs préoccupations ne sont pas sur le devant de la scène
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lus que trois semaines. Trois semaines, avant de faire son choix et de poser son bulletin dans l’urne, au premier tour de la présidentielle. Dans cette dernière ligne droite de la campagne, votre journal continue de vous donner la parole. Rencontre avec deux jeunes Toulonnais qui ont vu du pays. Leurs attentes et leurs espoirs.
« Les débats sont stériles, je trouve. On n’entend pas tellement de bonnes idées. » L’entrée en matière est à l’image du recul dont font preuve deux amis toulonnais, qui ont vu du pays… en quittant la France pour étudier, faire des stages, ou travailler à l’étranger. Pourtant «passionné par la politique et marqué par un grand-père gaulliste », Tiziano Airoldi-Pedinielli ne peut s’empêcher d’être déçu. « Quand je regarde la présidentielle et que je les vois vouloir rassembler les Français et promettre l’alternance, je me dis juste que c’est une énorme blague. » L’étudiant de 25 ans s’explique : « S’ils le voulaient, tous, ils s’assiéraient autour d’une table. Un parti ne peut pas représenter tous les Français. Mais un scrutin plus mixte et une coalition, oui.» Fin des croyances. « L’homme providentiel n’existe pas. » À dire vrai, les préoccupations des deux Toulonnais sont à peine effleurées dans la campagne.
Donner plus de flexibilité
Les affaires ? « Ça montre bien les limites du système. Mais le vrai débat n’est pas là. Tant qu’on ne trouve pas de job, ça ne va pas, tranche Anthony Froli, 26 ans. Et je ne dis pas qu’il n’y a rien de positif, car il y a de bonnes structures. Je peux en parler. J’ai étudié à l’étranger, fait un volontariat international d’entreprise. » Il y a une expérience fondatrice dans le parcours d’Anthony. Un aller simple pour Manchester, alors qu’il avait 22 ans. Il a poussé les portes au hasard: «Hello, I’m French, I’m looking for a job.
(1) » Il rit. « Ça me restera gravé. » Et ça a marché. De job en job – Angleterre, Irlande, Nouvelle-Calédonie – le Toulonnais hyper-débrouillard a appris un métier sur le tas. Issu d’un milieu protégé, il a aussi osé. Faire un crédit pour financer une école de commerce – qu’il paie encore chaque mois jusqu’en 2022. S’engager dans un service civique auprès d’une association d’aide aux sansabri. Il s’est forgé un credo, qui serait : « Donner plus de flexibilité, arrêter de se plaindre, voir les opportunités et le verre à moitié plein. » Les deux amis qui ont chacun vécu à l’étranger rigoleraient presque de ce trait de caractère des Français, « grands commentateurs », avec « beaucoup d’esprit critique », mais au final, frileux pour agir ou entreprendre. Anthony a toujours voté, à toutes les élections, même depuis l’étranger. Son vote a d’abord été influencé par son imprégnation familiale. Mais sa « culture », c’est aussi l’écologie, « un défi ».« Va-t-on continuer à détruire les ressources ? Pour moi, ça devrait être prioritaire. » Autre sujet d’inquiétude : « Les mouvements populistes, le ras-le-bol face à une élite politique toujours en place. Il y a un mouvement de masse, puissant, qui veut taper dans la fourmilière. » Eux aussi voudraient secouer l’édifice. Mais en restant ouverts sur le monde.
‘‘ Les Français sont de grands commentateurs”