Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Mis en cause, le FN s’en prend aux médias, à la police et à la justice
Il ne s’agit pas de commenter avec déontologie, mais de dénigrer, de caricaturer, car ils ne savent faire que ça»: l’affirmation – qui n’est, elle, absolument pas simpliste et caricaturale… – est signée Marine Le Pen. En meeting à Bordeaux, la candidate du Front national, qui fait face à plusieurs affaires judiciaires et que les sondages donnent dans un mouchoir de poche avec Emmanuel Macron, a entonné hier le refrain éculé du « C’est la faute aux médias ». Certes, se poser en victime et, d’une manière générale, chercher des boucs émissaires, sont de vieilles traditions de l’extrême droite. Et certes, la fille de Jean-Marie Le Pen n’est pas la seule à y avoir recours: de François Fillon à Jean-Luc Mélenchon, jamais autant de candidats à la présidentielle n’avaient jusqu’ici publiquement mis en cause la presse – mais aussi la justice, mais aussi le pouvoir exécutif, cibles bien commodes pour fédérer sa base et « expliquer » les soupçons de malversations diverses pesant sur plusieurs d’entre eux. Peu importent les contradictions: dénoncer «le système» quand bien même on est issu des filières d’excellence de la République, ou d’une famille dont la politique est la profession sur soixante ans et trois générations ; ou taper sur les journalistes, quand bien même l’on fait partie des personnalités les plus invitées sur les plateaux de télévision.
« Nos adversaires se coalisent »
Comme, donc, Marine Le Pen à Bordeaux hier. «Les médias se déchaînent pour tenter de nous atteindre par leurs flèches venimeuses», a-t-elle lancé devant environ 2000 partisans au Parc des expositions, en ouverture d’un discours d’une heure et quart. Et d’accuser : « Nos adversaires maintenant se coalisent, multipliant les injures, les menaces, les diffamations contre nous, amplifiées par la caisse de résonance des patrons de presse [...]. Tout ce que l’univers médiatique compte de soi-disant experts ou sachants se mobilise pour cadenasser le débat. » Un axe d’attaque qui ressurgit alors que, dans l’affaire des possibles emplois fictifs d’assistants parlementaires d’eurodéputés FN, des éléments recueillis par les enquêteurs, ainsi que des témoignages à l’AFP, semblent accréditer une volonté du FN de se financer grâce au Parlement européen. Le Monde a notamment dévoilé mercredi une lettre de Wallerand de Saint-Just, dans laquelle le trésorier du parti évoque des «économies » à réaliser «grâce au Parlement européen ».
« Des preuves ? Personne n’a jamais de preuves »
Dès jeudi, à la suite à ces révélations, Wallerand de Saint-Just avait évoqué « une violation du secret de l’instruction, sûrement grassement rémunérée». Accusant, autrement dit, des journalistes d’avoir «acheté» des magistrats et des policiers pour se procurer des documents. Une petite musique également distillée depuis – via les médias… – par le n°2 du parti, Florian Philippot, et le sénateur-maire de Fréjus et directeur de campagne de Marine Le Pen, David Rachline. Quant à fournir des éléments justifiant cette grave mise en cause… «Des preuves? Personne n’a jamais de preuves! Le système est trop bien fait», déclare Wallerand de Saint-Just, interrogé par nos confrères de L’Express. Il s’agit d’« une pure diffamation, à laquelle nous nous réservons de donner toutes les suites nécessaires» , a de son côté répondu samedi dans une tribune le directeur du Monde , Jérôme Fenoglio.