Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Aux prémices de l’arme nucléaire, il y avait Nemo…
En train d’être déconstruit sur le quai des Cnim à La Seyne, un « vieux » caisson lance-missiles de la DGA rappelle l’époque où la France développait sa dissuasion sous-marine. Histoire…
Quai des Cnim, les étincelles des chalumeaux s’acharnent sur sa vieille carcasse depuis plusieurs jours maintenant. La fin est proche pour la « marmite ». Dur d’imaginer que ce gros cylindre métallique blanc en train d’être démantelé joua un rôle crucial dans la naissance de la composante sous-marine de la dissuasion nucléaire française, il y a 50 ans. Et pourtant… Nemo – c’est son nom – était en effet un caisson lance-missiles sous-marin utilisé lors des premières phases de développement des missiles mer-sol balistiques stratégiques (MSBS) à têtes nucléaires. Entre 1966 et 1968 notamment, à une époque où les méthodes de simulation numérique restaient balbutiantes, Nemo a ainsi contribué à la réalisation des armes surpuissantes pouvant être lancées depuis le premier Sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE), luimême alors en phase de construction. Ce, en imitant les tubes lance-missiles du futur submersible. Après 400 essais en cuve, le caisson permit ainsi de passer à des lancements de maquettes inertes échelle 1, entre autres au large de l’île du Levant. Nemo était immergé et reposait sur le fond, d’où l’on procédait aux fameux tests. Ceux-ci ont permis de valider le comportement des fusées dans les premiers instants de leur trajectoire, entre l’ordre de tirer et la sortie de l’eau. Les spécialistes se souviennent que l’étape suivante, avant la première plongée du SNLE Redoutable en 1967 et son premier tir en 1971, fut encore de procéder à une cinquantaine de lancements depuis le sous-marin expérimental Gymnote. Propriété de la Direction générale de l’armement (DGA), dépassé ensuite par Cétacé, son successeur, le Nemo agonisait depuis des années. Dans la zone industrialo-portuaire de Brégaillon, de petites entreprises se chargent aujourd’hui de démembrer l’engin, né jadis des chantiers navals de La Seyne. Un retour aux sources et une fin dans l’ombre, l’essence même de ses très secrètes activités.