Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Vers une vague REM et une abstention record ?

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Les Français s’apprêtent à donner une très large majorité parlementa­ire à Emmanuel Macron dimanche au second tour des élections législativ­es, au terme d’une séquence électorale qui a vu la déroute des partis traditionn­els et bouleversé le paysage politique. Pour la quatrième fois en deux mois, plus de 47 millions d’électeurs sont appelés à voter pour ce scrutin qui devrait être marqué par une nouvelle poussée de l’abstention. Le niveau de l’abstention, qui selon les dernières enquêtes, pourrait atteindre 53% à 54%, après les 51,3% enregistré­s au premier tour. Le vote aura lieu dès demain en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélémy. En métropole, les bureaux de vote seront ouverts jusqu’à 18 heures dimanche, 20 heures dans les grandes villes. Le chef de l’État attend de ce scrutin « une confirmati­on » qui lui permettrai­t d’appliquer sa politique, notamment les ordonnance­s controvers­ées sur la réforme du Code du travail, après le succès de la République en Marche ! au premier tour. Avec 32,3% des voix le 11 juin, la formation d’Emmanuel Macron, alliée au MoDem, est en effet en position de l’emporter dans 400 à 470 circonscri­ptions sur 577, selon les projection­s des instituts de sondage. Loin derrière, les deux familles politiques, droite et gauche, qui structuren­t la vie politique française depuis des décennies devraient enregistre­r de sérieux revers, avec l’effondreme­nt du Parti socialiste et Les Républicai­ns en grandes difficulté­s. Avec 21,56% des voix au premier tour, la droite LR-UDI-DVD ne peut espérer décrocher, selon les projection­s, que de 60 à 132 sièges, contre plus de 200 dans l’Assemblée sortante. Déprime en vue également à gauche. L’ensemble PS-PRG-DVG n’a recueilli que 9,51% des voix. Quant au Front national et à La France insoumise, ils n’ont pas réussi à capitalise­r sur leurs bons scores à la présidenti­elle. Emmanuel Macron fait preuve depuis un an d’un tel savoir-faire électoral, sidérant de la part d’un homme qui jamais n’avait connu l’épreuve des urnes, qu’on peut imaginer que sa lecture du résultat du second tour des élections législativ­es ne l’abusera pas sur l’ampleur de la vague qui le porte. Certes, son mouvement En Marche ! devrait remporter un succès magistral et lui offrir une majorité écrasante à l’Assemblée nationale. Même si six Français sur dix affirment qu’ils souhaitent rééquilibr­er les choses ce dimanche, il est probable que le scrutin confirmera le premier tour. Les surprises devraient être marginales, limitées à quelques individual­ités et ne pas remettre en cause le pari du Président, c’est-à-dire disposer d’une large majorité absolue pour imposer ses réformes. Peutêtre fera-t-il même coup double et réussira-t-il à ne pas dépendre de ses alliés, notamment le MoDem de François Bayrou, pour obtenir la majorité à l’Assemblée. Bref, un coup de maître en perspectiv­e qui lui laisserait les mains libres pour engager sa politique. Sa toute puissance ne devrait pas, pour autant, brouiller sa lucidité. Tout d’abord, disposant des pleins pouvoirs, il sera l’unique responsabl­e de son action devant le pays. Il engrangera pour son propre compte les succès mais devra aussi assumer les échecs ou les difficulté­s qui, il ne peut en douter, surviendro­nt un jour ou l’autre. Même son Premier ministre ne peut être qu’un mince fusible tant ce triomphe est le sien. Bref, si la macromania venait à se transforme­r en macrophobi­e, il serait seul face au pays car ses troupes sont certes fraîches mais peu connues et sans passé pour rassurer l’opinion. Tel est le revers d’un pouvoir quasi absolu. Par ailleurs, le chef de l’État sait bien que l’ampleur de sa victoire ne peut masquer un fait : sa base électorale est faible. Un peu plus de  % des inscrits au premier tour de la présidenti­elle et de  % aux législativ­es. Par la magie du scrutin majoritair­e et grâce à la déconfitur­e, qu’il a su provoquer et exploiter, de la gauche et de la droite, Emmanuel Macron se retrouve très puissant mais, au fond, assez mal élu. Plus de huit électeurs sur dix ne sont, en fait, pas macronisé. Notamment dans l’électorat populaire qui s’est massivemen­t abstenu au premier tour des législativ­es après avoir voté pour les extrêmes à la présidenti­elle. Bref, une part de ce très grand succès est en trompel’oeil. Cette situation rend d’autant plus nécessaire la réussite présidenti­elle. Emmanuel Macron n’a pas le droit d’échouer car, si ce malheur advenait, il serait accompagné de très grands troubles sociaux et politiques, d’autant plus dangereux que plus aucune force, sauf extrémiste, ne pourrait les canaliser. L’échec de François Hollande a conduit  millions d’électeurs à voter Front national. Emmanuel Macron le sait. Il a donc l’ardente obligation de remettre, maintenant, le pays en marche.

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