Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Cinq ans pour le braqueur d’un médecin cannois
Ils susurrent des réponses à peine audibles au point d’agacer Marc Joando, le président du tribunal correctionnel de Grasse. « Essayez d’avoir un peu de tonus. Parlez comme quand vous êtes entrés dans le cabinet médical », suggère le magistrat. C’était le soir du 18 juillet, vers 19 h 15, dans une rue du centre-ville, à deux pas de la Croisette. Une femme médecin âgée de 64 ans s’apprêtait à rentrer chez elle quand deux hommes casqués, yeux masqués par des lunettes de soleil, font irruption dans son cabinet. Projetée à terre, la victime est frappée, menacée d’une arme avant d’être délestée de sa montre Rolex et d’une bague en diamant. Les agresseurs pensaient à tort qu’il y avait un coffrefort. Walid Benkrea, 21 ans, de Cannes-La Bocca, a le parcours typique du petit délinquant sur lequel les sanctions prononcées par le tribunal pour enfants (y compris quand il s’agissait de prison ferme) n’ont eu aucun effet. La biographie de Sofien Oueslati, un copain de quartier de 24 ans, est émaillée de condamnations pour violences, pression sur des témoins et cambriolages. Un profil similaire à celui du premier jeune homme.
Coups de casque
Une patrouille de la police municipale à vélo a permis leur arrestation quelques minutes après l’attaque à main armée. Benkrea était en possession d’un revolver avec des munitions 22 LR, incompatibles avec ce type d’arme. « On a entendu des cris : “aidez-moi, ils m’ont tout pris ”», relate le président Joando. Les clients du bar au rez-dechaussée n’ont pas bougé. Le jeune policier municipal qui est intervenu a été blessé à coups de casque. « Un geste involontaire », affirme Walid Benkrea. Le jeune prévenu assure avec aussi peu de conviction qu’il a agi sur ordre d’un commanditaire. «Je lui dois 20 000 euros depuis 2015. Il menace ma famille.» Même argument de défense de la part de Oueslati. Leurs avocats, Me Dantcikian et Me Jemali, reprennent à leur compte cette version de l’affaire. Enquêteurs et magistrats du tribunal semblent beaucoup plus circonspects. Les avocats de la défense rappellent qu’au départ « ils partent pour un cambriolage, un cambriolage qui a pris des proportions démesurées ».
« Pas loin des assises »
Me Mathurin Lauze rappelle que sa cliente a vécu un tel traumatisme qu’elle n’a pas souhaité affronter à nouveau ses agresseurs. « Nous ne sommes pas passés loin des assises », remarque le procureur Fanny Philibert qui balaie d’un revers de manche les dénégations des prévenus. Le magistrat du parquet retient surtout «le certificat médical qui vient attester des violences et consacrer le témoignage de la victime ». Cinq ans et trois ans sont requis à l’encontre des deux jeunes Cannois récidivistes. Walid Benkrea écope de cinq ans de prison. Sofien Oueslati, le guetteur, est relaxé pour les violences contre le policier (comme l’avait demandé le parquet), mais il est condamné à trente mois d’emprisonnement pour les autres délits. Les deux jeunes restent incarcérés pour effectuer leur peine. Les bijoux ont été restitués à la victime. Un expert évaluera dans les mois à venir le préjudice psychologique du médecin.