Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Enrico Macias se raconte à Ramatuelle

Depuis la maison de son ami François Bennaceur, Enrico Macias évoque un été particulie­r marqué par la disparitio­n de son agent. À bâtons rompus, il se raconte, entre anecdotes et projets

- PROPOS RECUEILLIS PAR ALAIN GRASSET

Un havre de nature et de calme niché sur les hauteurs de Ramatuelle. Là, dans la maison de son ami François Bennaceur, au bord de la piscine, on retrouve Enrico Macias. Le célèbre chanteur en tenue d’estivant, polo et bermuda, apparaît en pleine forme, cool, souriant, et blagueur. Pourtant, l’interprète d’Enfants de tous pays, Les Gens du Nord ou encore L’Oriental, n’aura pas passé un été tranquille. La mort de son agent Charley Marouani, 90 ans, l’a totalement bouleversé. Au point, comme il nous le révèle en exclusivit­é, qu’il a bien failli arrêter sa carrière il y a trois semaines. Enrico Macias nous annonce aussi ses projets, dont un film avec un jeune metteur en scène auquel il tient tout particuliè­rement. Entretien.

Comme d’habitude, vous passez vos vacances à Saint-Tropez. Mais toujours pas dans votre magnifique propriété qui, à la suite de la déconfitur­e d’une banque islandaise, avait été hypothéqué­e ? Ma maison, je l’ai sauvée ! Elle m’appartient toujours. Le problème, c’est qu’on m’a donné des permis de construire et que je suis donc obligé de faire des travaux. C’est pour cela que je ne vis pas chez moi cet été. Mais à Ramatuelle, chez François Bennaceur, mon ami de quarante ans. C’est un frère. Jean Madar, un homme d’affaires avec lequel je suis aussi ami, m’a également invité.

Vous espérez être bientôt chez vous ? Bien sûr ! Le procès en première instance s’est déroulé au mois de mai. Le délibéré est prévu le  août. J’espère bien que la banque [la Landsbanki Luxembourg, filiale d’un établissem­ent islandais, Ndlr] sera condamnée pour escroqueri­e et qu’à ce moment-là on me libérera mon hypothèque. Mais le procès continuera jusqu’à ce j’obtienne complèteme­nt gain de cause.

Au tribunal correction­nel de Paris en mai dernier, vous n’étiez pas seul à vous défendre… Oui ! Je suis très content d’avoir mené ce combat. Pas seulement moi, mais les  victimes qui m’ont suivi. J’avais été en  le premier à me porter partie civile contre la banque Landsbanki. Au procès, alors que je ne connaissai­s pas les autres victimes, chacune racontait la même histoire que la mienne, avec évidemment des chiffres différents. Moi, j’avais besoin d’argent pour faire des travaux dans ma maison, et ils m’ont prêté sept fois ce que j’avais demandé [Enrico Macias avait bénéficié d’un prêt de  M€ en  :  M€ lui ont été remis, le reste,  M€, placé sur des comptes d’assurance-vie, Ndlr]. Autrement dit, ils ont gardé  % et donné  %. Avec ces  %, nous étions censés garder les intérêts. Mais ils savaient très bien qu’on ne pourrait pas les payer. Il y a quand même eu   victimes en Europe.

Envisagez-vous de quitter Paris pour vivre à Saint-Tropez ? Personnell­ement, je ne pourrais plus vivre dans cette maison parce qu’elle va être immense.   m²,   m² de terrain. Mais peut-être que je vais acheter plus petit. L’idéal, ce serait que je revienne ici définitive­ment, que je freine un peu mes prestation­s. Vu mon âge,  ans (Enrico Macias est né le  décembre  à Constantin­e en Algérie, Ndlr), j’aurais  ans en .

Vous êtes un vrai Méditerran­éen… Oui. C’est drôle, ma destinée. J’ai quitté l’Algérie malgré moi. J’y serais bien resté en tant qu’enseignant ou musicien. Mais voilà, j’ai construit de nouvelles racines à Saint-Tropez et on a encore voulu me les enlever. Donc pour moi, il n’est pas impossible que je revienne m’installer définitive­ment. À la retraite ! (rires)

Mais pas question de retraite ! Je peux vous avouer quelque chose : lorsque mon ami Charley Marouani est parti, le  juillet dernier, j’ai eu envie d’arrêter ma carrière. J’en ai parlé à tous mes amis, à ma famille. Ils m’ont dit : « Enrico, tu ne dois pas t’arrêter ! Le public t’aime encore. » Moi, j’ai toujours dit que j’arrêterais le jour où le public en aura marre de moi. Mais là, ce n’est pas le cas. Et ce n’était pas la volonté de Charley.

Votre bel été à Saint-Tropez a malheureus­ement été endeuillé par cette disparitio­n. J’ai appris au mois de juin qu’il était atteint d’un cancer généralisé. Sa femme m’a dit qu’il souffrait le martyre. Charley,  ans, était alors hospitalis­é dans une clinique de Neuilly-sur-Seine, tout près de Paris. Je voulais aller le voir tout de suite. Mais sa femme m’a expliqué qu’il ne voulait voir personne. Puis un peu plus tard, il allait un peu mieux et j’ai réussi à le voir. Il a même recommencé à s’occuper de ses artistes. Michel Boujenah et moi. Il avait continué que pour nous faire plaisir. Je ne m’attendais pas à ce que sa fin soit si brutale. J’espérais une rémission. Il avait choisi la Corse pour partir… Charley avait une petite maison, en Balagne, entre Calvi et l’Île Rousse. Je ne savais pas qu’il était là-bas. Il était un grand cachottier. Dans le dernier message qu’il m’a envoyé, il me disait : « Gaston – comme il m’appelait, mon vrai prénom – je viens de mettre le pied en Corse, je t’embrasse. » Quelques heures après, il est décédé.

C’était aussi un vrai ami ? Oui ! On se téléphonai­t vingt ou trente fois par jour. Il me parlait de mon travail, me donnait des instructio­ns. C’était un protecteur, un patriarche, un guide. Un homme exceptionn­el parce qu’il aimait les artistes. Il nous laissait faire ce qu’on voulait, mais de temps en temps il nous corrigeait avec une exigence que je qualifiera­is de très tendre. On était obligé de l’écouter. Sur le plan profession­nel, il a beaucoup compté pour vous ? C’est grâce à lui que j’ai fait le tour du monde. Il m’a permis de devenir une vedette internatio­nale. Il y a vingt ans, après la mort de mon agent Vic Talar, je cherchais un autre manager, j’ai pensé à Charley. En fait, c’était parce que depuis le début de ma carrière, il s’occupait de moi en coulisse. Grâce à lui, je me suis produit aux États-Unis, en Israël, etc. Il le faisait par amour pour moi. Je suis toujours marqué par la mort de ma femme Suzy il y a presque dix ans. Je me disais qu’après elle, rien ne m’atteindrai­t. Je m’en suis sorti grâce à mes enfants, mes petits-enfants, mes amis. Et là, avec Charley, ça m’a vraiment touché. J’ai d’ailleurs organisé ses obsèques à Neuilly. Il y avait un monde fou malgré les vacances.

Où en êtes-vous sur le plan artistique ? Des projets sont en cours ? Je prépare un double album. Mon fils Jean-Claude a eu l’idée de reprendre toutes mes chansons depuis mes débuts. Une sélection avec de nouveaux arrangemen­ts. Ce sera le premier CD. Le second sera composé de chansons entièremen­t inédites. Pendant dix ans, après la mort de ma femme, j’ai perdu l’inspiratio­n. Et maintenant, j’ai composé de nouvelles chansons, de nouvelles musiques. J’ai déjà un morceau intitulé Ma famille et mes amis. Vous savez, les vrais amis, c’est si rare.

On chuchote avec insistance que vous pourriez faire du cinéma ? Exact ! Un jeune réalisateu­r, David Hadjadj, m’a proposé un scénario écrit par son amie, professeur­e de philosophi­e, dont je suis tombé amoureux. C’est l’histoire d’une fille qui rejoint son père resté au Maroc et qu’elle n’a pas vu depuis longtemps. C’est un musicien, ce qui me plaît beaucoup, qui a envie de faire le parcours de sa vie en sens inverse. Pour moi, ce sera un clin d’oeil à l’Algérie. La nièce de Michel Boujenah jouera ma fille dans ce film que je devrais tourner à partir du mois de janvier.

J’arrêterai le jour où le public en aura marre de moi. Là, ce n’est pas le cas. ” Je prépare un album. Une sélection de mes chansons et d’autres inédites. ”

Comment jugezvous les cent premiers jours du président Emmanuel Macron ? Je préfère que ce soit Emmanuel Macron qui ait été élu plutôt que Marine Le Pen. Il lui faut du temps pour faire ses preuves. Il est jeune, il a des qualités comme la communicat­ion mais cela ne suffit pas. Je voudrais le voir dans les moments difficiles et comment il peut en sortir. Ce qui m’intéresse, c’est la façon dont il va réduire le chômage. Tant qu’il y aura du chômage, rien ne marchera.

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 ?? (Photo Franz Chavaroche) ?? Le chanteur a revêtu sa tenue d’estivant sur les hauteurs de Ramatuelle.
(Photo Franz Chavaroche) Le chanteur a revêtu sa tenue d’estivant sur les hauteurs de Ramatuelle.

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