Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Les trois défis d’Edouard Philippe
« Il devra prouver qu’il saura imposer ordre et discipline à la majorité »
Quarante-huit réunions avec les syndicats sur la réforme du travail, une cinquantaine de concertations sur le budget que le Premier ministre va défendre devant le Parlement dans les semaines qui viennent : si Edouard Philippe est resté discret cet été, ce n’était point par désoeuvrement mais parce qu’il travaillait, d’arrachepied, aux textes des ordonnances soumises depuis lundi dernier aux partenaires sociaux. C’est aujourd’hui qu’en présentant sa feuille de route à RMC et BFMTV, il entre véritablement «dans le dur». Voici venue l’heure, attendue, de l’annonce des premières mesures gouvernementales, dont certaines (la baisse des APL, la fin annoncée des emplois aidés) sont déjà contestées avant même que le gouvernement ne les aient expliquées. Le Premier ministre doit assez vite répondre à trois défis. Le premier est, bien sur, la réforme du Code du travail et la mise au point des ordonnances qui les mettra en oeuvre. Jusqu’à présent, il a su, avec Muriel Penicaud, la ministre en charge du dossier, éviter les heurts avec les centrales syndicales, résultat d’un travail en commun méticuleux, mais sans garantie qu’in fine, chacun des patrons de la CGT, de la CFDT et de FO, sans oublier tous les autres, n’appellera pas à la mobilisation générale. Suspense. Le second défi, plus politique celui-là, est de taille aussi. Sous la Ve République, le Premier ministre est le coordinateur désigné de la majorité. C’est le cas, bien sûr, d’Edouard Philippe, à cette nuance, importante, près : il n’est pas, contrairement à ses prédécesseurs, lui-même issu du mouvement « En marche ! », qui a porté Emmanuel Macron au pouvoir. C’est dire que, transfuge des Républicains, il doit maintenant faire la démonstration auprès des députés LREM, et auprès du pays plus largement, que les clivages droite-gauche étant, pour le moment du moins, abolis, il représente bien cette nouvelle majorité venue de la gauche et de la droite, telle que la veut le président de la République, et qu’il saura, lorsqu’il le faudra, lui imposer ordre et discipline. Or, si les députés ont beaucoup travaillé cet été, force est de reconnaître que beaucoup des nouveaux élus de « La République en marche ! » n’ont justement pas brillé, en faisant leurs premières armes au Parlement, par leur observance de ces deux vertus majoritaires. Le troisième défi tient aux rapports qu’organisent, et plus encore, organiseront entre eux le président de la République et le Premier ministre. Depuis , ces relations-là sont soumises à bien des vicissitudes entre concorde et discorde. Nous en sommes à la première de ces phases. Edouard Philippe doit en profiter pour s’imposer, sans s’opposer. Ce n’est pas toujours aussi commode qu’on le croit. Si le chef du gouvernement s’aligne systématiquement et sans nuances derrière le Président, il apparaît comme son ombre bien pâle. S’il prend ses distances, au contraire, il passe pour un rival potentiel. D’où la nécessité, pour Edouard Philippe, de garder la juste mesure. Il ne le sait peut-être pas encore : ce sera sa tâche essentielle dans les premiers mois du quinquennat.