Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Jalil Lespert, réalisateur de « Yves Saint Laurent » : « Quand il a vu le film il était très touché »
Au début de l’année 2012, l’acteur et réalisateur Jalil Lespert décide de porter à l’écran l’histoire d’amour du couple Yves Saint Laurent et Pierre Bergé. Pour incarner le célèbre couturier, il choisit Pierre Niney et Guillaume Gallienne pour jouer l’homme d’affaires et mécène. Pierre Bergé déclarait alors. « On m’a souvent proposé de faire un film de fiction sur Yves et moi-même. Je n’avais jamais été convaincu par les différents projets. Jalil Lespert est venu me voir avec sa sensibilité, son enthousiasme, sa vision créatrice, j’ai vite compris que j’avais face à moi le réalisateur capable de raconter cette histoire. ». Le biopic « Yves Saint Laurent », doté d’un budget de 12 millions d’euros, sorti le 8 janvier 2014 remportera un succès en salles, avec 1,5 million de spectateurs et vendu dans de nombreux pays étrangers. Un autre biopic, « Saint Laurent » de Bertrand Bonello avec Gaspard Ulliel dans la peau de YSL et Jérémie Rénier alias Pierre Bergé, projeté au Festival de Cannes, en mai 2014, n’attirera que 400 000 spectateurs. Joint au téléphone, hier après-midi, Jalil Lespert nous a raconté Pierre Bergé tel qu’il l’a connu. Confidences.
Comment s’est passée votre rencontre avec Pierre Bergé pour préparer « Yves Saint Laurent » ? Souvent les gens ont pensé qu’il était très intervenant, qu’il avait contrôlé ce que j’allais faire dans le film. Or, pas du tout. C’était un homme de parole. Une fois qu’il vous faisait confiance, Pierre Bergé vous laissait totalement libre. La première rencontre a été hyper rapide. En minutes, au jeune réalisateur qui n’avait mis en scène que deux films ( « mesures » et « Des Vents contraires ») il m’a dit. « Vous avez tout compris ! Et en plus, la Fondation Yves Saint Laurent ouvrira entièrement ses portes pour vous aider durant le tournage. ». Et il avait ajouté « Vous pouvez parler de tout. » .Le fait est qu’il a tenu parole et que cette aventure quelque part commune lui a vraiment plu. Je voulais montrer qu’entre Yves et lui, c’était une grande histoire d’amour. Quand il a vu le film, Pierre était très touché, très ému, et cela a créé un lien indéfectible entre nous. Quel homme était Pierre Bergé ? Un homme entier. Il n’était jamais dans la posture comme certains pouvaient l’imaginer. Il assumait complètement ses contradictions. Sa position intellectuelle, affective. Je garde le souvenir d’un homme particulièrement brillant, mais aussi de très simple. Il avait beaucoup d’humour. Il était très drôle. Finalement dans la famille Saint Laurent, les gens riaient beaucoup. Dans les années , où il y avait de la légèreté, de la liberté, Pierre et Yves se sont beaucoup amusés. Quand Pierre aimait, il aimait vraiment. Quelqu’un de profondément moderne, et pas tellement nostalgique. Dans son dernier discours, lors du Sidaction, il a parlé des jeunes. Ce qui montre qu’il était quelqu’un qui a embrassé son époque. Il était et restera un grand personnage.
Est-il venu sur le tournage de « Yves Saint Laurent » ? Oui. Une seule fois pour la reconstitution de la scène « Opéra et ballets russes ». C’était bouleversant. Il était très ému de retrouver les robes de Saint Laurent parce que ce sont des pièces de musée, conservées sous vide, rares et qui n’avaient pas été portées depuis leur création. Et puis, quand Pierre a découvert Pierre Niney grimé et vieilli comme Yves, c’était un moment émouvant. On le sentait touché par la douleur d’avoir perdu l’être aimé. Pour Guillaume Gallienne qui l’incarnait, j’ai senti plus de discrétion. Mais je pense qu’il avait énormément de respect à la fois pour l’acteur et pour l’homme pendant et surtout après le tournage. Ils avaient accroché.
Etes-vous resté en contact après la sortie du film ? Bien sûr. Nos rencontres étaient épisodiques car Pierre était très occupé, toujours en voyage. On se voyait cependant de temps en temps, on s’envoyait des Sms. On s’est suivis car je le répète il était quelqu’un de parole et très fidèle. Quand il vous donnait son affection, c’était sincère. Et je crois pour longtemps.