Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Père Vasile, un moine orthodoxe à Porqueroll­es

Depuis un an, ce pope roumain perpétue la tradition orthodoxe dans l’isolement du fort de la Repentance, en remplaceme­nt du charismati­que mais vieillissa­nt père Séraphin

- PIERRE-LOUIS PAGÈS plpages@varmatin.com

Alors que des centaines de milliers de touristes – et même davantage depuis que Notre Dame a été élue plus belle plage d’Europe – se pressent chaque année sur l’île de Porqueroll­es, le père Vasile, moine orthodoxe roumain, y a débarqué, non par choix, mais «par obéissance ». « Obéissance heureuse», s’empresse-t-il de préciser. L’intéressé le raconte sans rancoeur. Bien au contraire. « Il y a tout juste un an, le père supérieur du monastère d’ Oasa, en plein centre de la Roumanie, m’a convoqué pour me dire : “Vasile, prépare-toi, la semaine prochaine, tu pars t’installer en France” ». Pour avoir plus de détails sur sa future « affectatio­n » dans un pays majoritair­ement catholique, le père Vasile a dû retourner sur Internet après «une abstinence de presque 10 ans». Si Porqueroll­es passe pour un paradis terrestre, le fort de la Repentance, un ouvrage militaire de la fin du XIXe siècle, déclassé sitôt achevé, a en revanche dû lui paraître bien austère en comparaiso­n de son monastère roumain. Qu’importe. Le père Vasile, à l’indéfectib­le sourire, a fait ses valises sans rechigner et a atterri sur la plus grande des îles d’Or le 9 septembre 2016. Il y a un an tout juste. Sa mission : remplacer le charismati­que père Séraphin. À bientôt 90 ans, il était temps pour ce dernier, qui y a vécu comme ermite pendant plus de 20 ans, de quitter le spartiate ouvrage militaire situé à plus de 30 minutes de marche du village de Porqueroll­es… « Fatigué, malade, ce n’était plus possible pour lui de rester vivre ici », glisse le père Vasile sur un ton bienveilla­nt. À la grande silhouette du père Séraphin, devenu en quelque sorte une icône du moine orthodoxe avec ses grosses lunettes et son épaisse barbe blanche, a donc succédé le père Vasile, à l’allure d’éternel adolescent malgré ses presque cinquante printemps… Si ce

dernier reconnaît, à demi-mot, que son installati­on dans le fort « n’a pas été facile», il semble depuis avoir trouvé ses marques. Il faut dire que ses journées sont bien rythmées. «Avec le frère Adrien, qui vient comme moi du monastère d’Oasa, la journée commence à 4 h du matin par le service de minuit (1). Cette prière liturgique se poursuit jusqu’à 8h30. On enchaîne alors avec le nettoyage ou quelques travaux d’entretien du fort. Le frère Adrien, lui, fait office de cuisinier. Pendant le repas, pris à midi, on se lit des textes religieux. Avant de célébrer les Vêpres, à 16 h , on peut se consacrer à des prières personnell­es dans notre cellule. À 17 h 30, vient l’heure du dîner, à l’issue duquel on regagne notre cellule. Et puis, on recommence… » Sur une île aussi touristiqu­e que Porqueroll­es, s’astreindre à une discipline certaine est capital. Le père Séraphin, lui l’ermite qui, deux décennies durant, a consacré sa vie à la remise en état du fort, l’avait bien compris. « Sur l’île, vous êtes à la fois isolé et non isolé. “Si vous ne priez pas, vous ne tiendrez pas longtemps”, m’a-t-il averti au moment où il m’a passé le relais », raconte le père Vasile. Prenant les conseils de son prédécesse­ur comme paroles d’évangile, le père Vasile ne s’expose pas aux tentations. « En hiver, on se balade parfois sur l’île avec le frère Adrien. Sinon, on ne descend au village qu’une fois toutes les 2 ou 3 semaines pour chercher le courrier, faire quelques courses, ou récupérer des visiteurs au port. » Récupérer des visiteurs ? On l’aura compris, le fort de la Repentance, rebaptisé monastère Sainte-Marie du Désert, n’est pas un lieu fermé. Outre certains îliens d’origine russe qui y ont leurs habitudes dominicale­s, les promeneurs ne sont d’ailleurs pas rares à en pousser les portes. Et c’est avec plaisir que le père Vasile fait une visite guidée. Il faut dire que la chapelle aménagée dans l’ancienne caponnière et entièremen­t décorée de fresques byzantines par le peintre Yaroslav Dobrynine vaut le détour. Des rencontres qui lui rappellent sans doute son passé laïc. Car le père Vasile n’a pas toujours été homme d’église. Après des études d’entomologi­e et de sylvicultu­re, cet aîné d’une fratrie de trois s’est un temps consacré à la protection des forêts. Le virage à 180°, le déclic, il l’a eu lors d’une rencontre avec le père Theophilos à Sâmbàta. Un monastère roumain où – signe divin ? – avait séjourné avant lui le père Séraphin. « Le père Theophilos est un homme si lumineux, magnifique. Il est comme un Saint », raconte le père Vasile, le visage encore plus épanoui que d’habitude. Et de conclure : « Je ne regrette rien de ma vie laïque. Grâce à la religion, je suis en paix avec Dieu et moi-même, et je peux répandre la paix autour de moi ».

Sur Porqueroll­es, on est à la fois isolé et non isolé ”

1. « Il faut prendre l’expression minuit comme dans la profondeur de la nuit », traduit-il. 2. Ouvrage défensif faisant partie du fort.

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(Photo Luc Boutria)

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