Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Le maire Pierre Gautier face à une crise municipale
Deux adjoints ont été démis, le maire estimant qu’il ne pouvait plus travailler avec eux « en confiance ». Une partie des conseillers dénonce une gestion opaque des dossiers
Cela couvait depuis le début de l’année, au moment où certains élus municipaux ont cru comprendre, fin décembre 2016, que le maire, Pierre Gautier, était sur le point de lancer un projet de fusion entre Forcalqueiret et Rocbaron (lire ci-dessous ). « Il avait préparé le dossier sans même nous prévenir. Au moment où le village l’a appris, la réaction a été vive. Il y avait des banderoles dans les rues pour dire “Non à la fusion”. À partir de là, une méfiance s’est installée », explique Thierry Allain. Le conseiller, présenté, lors des élections, comme « technicien spécialiste dans l’étude des marchés » s’est, depuis, penché sur certains dossiers, et estime détenir les preuves d’une gestion malsaine des affaires communales.
La première adjointe en ligne de mire
Ainsi, en avril, Thierry Allain découvre que la commune a acheté un camion pour 34 500 euros HT, « sans faire d’appel d’offres, alors que cela est obligatoire dès lors que l’investissement dépasse 25 000 euros hors taxes ». Il s’étonne également du coût d’une étude de marché relative au projet de funérarium, de la réalisation de travaux non votés devant la salle de la Farandole, et, aussi, de la disparition d’un carton contenant des documents relatifs aux attributions des treize lots du chantier de l’école (lire ci-dessous ).« Chaque dossier peut sembler faible, mais, cumulés, les “problèmes” qu’ils représentent posent question », estime le conseiller. Thierry Allain a informé ses collègues du conseil et, le 21 août dernier, c’est accompagné des adjoints Thierry Constant (délégué aux travaux) et Gilbert Bringant (écoles, sécurité) qu’il est allé demander des explications à Pierre Gautier et Dorella Hermitte. Il est notamment reproché à la première adjointe d’être en position de conflit d’intérêts (étant déléguée à l’urbanisme et exerçant dans l’immobilier, Ndlr), entre autres dans le cadre d’un projet de parc photovoltaïque. « C’est aussi la seule adjointe qui est au courant de tout. Elle ne peut pas ignorer les erreurs de gestion que j’ai relevées …»,accuse Thierry Allain.
« Tout le monde criait »
« Ils sont entrés dans mon bureau et m’ont demandé de démettre Mme Hermitte, faute de quoi, ils ont assuré qu’ils feraient “exploser le conseil municipal” », raconte Pierre Gautier. Une semaine plus tard, le 28 août, les élus se réunissaient en conseil. « Ça a duré quatre heures et demie. Ça n’avait rien à voir avec un conseil municipal… Tout le monde criait…, raconte le maire. MM. Bringant et Constant distribuaient des tracts et des lettres de démission prêtes à signer aux conseillers. Comment voulez-vous que je leur fasse confiance après cela ? Un adjoint, c’est un collaborateur proche, sur qui on peut compter, c’est quelqu’un qui vous aide à trouver des solutions et à les mettre en oeuvre. Là, ils voient qu’il y a un problème, et s’en servent pour me descendre. J’ai donc décidé de demander au conseil de voter le retrait de leurs fonctions lors de la réunion suivante. »
La sous-préfecture alertée
Voyant que le maire ne plierait pas, Thierry Allain a transmis les éléments de son enquête aux services de la sous-préfecture de Brignoles, le 31 août. « On m’y a assuré que tout allait être étudié en détail et que le tribunal administratif serait saisi si cela s’avérait nécessaire. » Au village, la tension peine à retomber. Au lendemain de la rentrée des classes, le 5 septembre, une conseillère distribuait des tracts devant la sortie de l’école. On y retrouvait la liste des griefs reprochés au maire et à sa première adjointe (lire ci-dessous).
« Votez dans l’intérêt du village »
Ce mardi 19 septembre, rendezvous était donné aux conseillers à 18 h 30, à l’espace Respelido. Ordre du jour : quatre délibérations « administratives » et deux votes à bulletins secrets devant décider du retrait de la fonction d’adjoint de MM. Bringant et Constant. Après un bref rappel de la procédure et des raisons pour lesquelles il ne pouvait plus faire confiance à ses adjoints, Pierre Gautier a demandé que chacun vote en tenant compte du fait que seul le retrait de la fonction d’adjoint permettait au maire d’attribuer les délégations à un autre élu. « Dans le cas contraire, les délégations seront redistribuées entre les quatre adjoints restants et le maire, ce qui augmentera notre charge de travail et nous fera perdre en efficacité. Je vous demande donc de voter dans l’intérêt du village. »
Règlements de comptes
Avant de passer aux votes, quelques échanges ont permis à chacun de clarifier ses positions. Pierre Gautier a redit la confiance qu’il accordait à sa première adjointe, avec qui il « travaille depuis 2008 », et a vivement critiqué le manque d’implication de certains élus, dont Thierry Allain. Ce dernier a rappelé les dossiers dans la gestion desquels il estimait que le maire avait fauté. Virginie Dardinier est également montée au créneau, n’appréciant manifestement pas que le maire lui demande d’arrêter de « troubler le travail des employés de mairie » en y restant « des journées entières à papoter de bureau en bureau ». Manuel Mouttet, a rappelé que Thierry Constant et Gilbert Bringant « font du bon travail, sont toujours là quand on a besoin d’eux » et qu’il ne « voyait pas l’intérêt de la commune dans le retrait de leurs délégations ». Au terme du vote, les élus ont décidé le retrait des fonctions d’adjoint à MM. Bringant (14 « pour », 9 « contre ») et Constant (13 « pour », 10 « contre »). Pierre Gautier n’a pas annoncé les noms des conseillers qui se verront proposer les postes d’adjoints devenus vacants.