Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
« La menace est forte dans votre région »
Le ministre de l’Intérieur est à Nice aujourd’hui où sont réunis les maires des villes confrontées au terrorisme, objet de sa loi actuellement examinée à l’Assemblée nationale
Quel est aujourd’hui l’état de la menace ? Elle reste évidemment élevée dans tous les pays européens. Les attentats de Barcelone et du métro de Londres nous le prouvent. En France aussi puisqu’un certain nombre d’attentats ont été récemment déjoués. D’autres, hélas, ont abouti comme celui des Champs-Élysées, avec la mort de Xavier Jugelé, ceux visant des militaires de Sentinelle, ou encore celui de Notre-Dame. Oui, la menace reste élevée !
Devant l’Assemblée vous avez évoqué douze attentats déjoués depuis le début de l’année... Oui. Ces projets d’attentats auraient pu faire de nombreuses victimes dans notre pays. Grâce à la qualité des services de renseignement et à notre coopération avec les pays étrangers, ils ont pu être déjoués.
Certains visaient-ils plus particulièrement le sud-est et la Côte d’Azur ? Nous le savons, l’un de ces attentats visait un meeting politique dans le sud de la France, un autre avait pour cible un bureau de vote. La menace est forte dans votre région comme elle peut l’être aussi dans un certain nombre d’autres.
En quoi cette nouvelle loi antiterroriste va-t-elle permettre de mieux lutter contre cette menace terroriste ? Nous sommes jusqu’au
novembre dans le cadre de l’état d’urgence. Mais nous ne pouvons pas rester perpétuellement dans cet état d’exception. Au lendemain de la guerre d’Algérie, sous le général de Gaulle, je rappelle qu’il avait duré mois. Aujourd’hui, cela fait déjà à mois que l’état d’urgence perdure. Il faut donc en sortir mais sans baisser la garde face au terrorisme islamiste. C’est l’objet de cette loi.
Quelles sont les mesures phares ? Il y en a quatre. Tout d’abord l’instauration de périmètres de protection qui, lors de grandes manifestations comme les concerts ou les événements sportifs, nous permettront de fouiller les personnes sous le contrôle des policiers et gendarmes habilités. Ceux qui refuseront d’être fouillés seront reconduits à l’extérieur du périmètre. C’est certes une mesure de sécurité mais qui garantit aussi nos libertés. Si nous ne pouvions plus organiser de manifestation culturelle ou sportive ce serait rompre avec notre mode de vie.
Quels sont les autres piliers de cette loi ? La deuxième disposition vise à permettre la fermeture des lieux de culte qui inciteraient à la commission d’actes de terrorisme. La troisième grande mesure concerne la surveillance des personnes qui, dans le cadre de l’état d’urgence, étaient assignées à leur domicile et devaient se présenter au commissariat trois fois par jour. Désormais, le périmètre de leur assignation est au minimum celui de la commune, voire plus si elles acceptent de porter un bracelet électronique. Elles devront se présenter une fois par jour dans un commissariat ou une gendarmerie. Et cela pendant une durée maximum d’un an. Enfin, le dernier point concerne les visites et saisies à domicile [perquisitions administratives, ndlr] qui sont considérées comme les plus privatives de liberté. C’est pourquoi nous avons souhaité qu’elles soient encadrées à la fois par le procureur de la République de Paris, spécialisé dans le terrorisme, le procureur territorial compétent ainsi qu’un juge de la liberté et de la détention qui, à Paris, sera lui aussi spécialisé sur ces questions.
Certains dénoncent une transcription dans le droit d’un État d’urgence permanent... Nous voyons bien, en détaillant les mesures, que ce n’est pas fondé. Concernant les assignations à résidence nous sommes moins coercitifs puisque nous élargissons le périmètre de circulation des personnes concernées. Pour ce qui y est des visites à leur domicile nous spécialisons même le juge des libertés et de la détention de Paris pour suivre ces mesures d’urgence. Sans oublier que tout ceci est susceptible de recours devant les tribunaux administratifs ou les juridictions concernées. Enfin, je rappelle qu’à la différence de l’état d’urgence dont l’objet peut être très large, le texte que nous avons préparé est spécialement centré sur le risque terroriste.
Il n’y a pas que l’état d’urgence qui prend fin en novembre, le rétablissement du contrôle aux frontières aussi... La possibilité de poursuivre les contrôles aux frontières intérieures nous est encore ouverte, mais il faut de toute façon adapter notre droit. C’est précisément l’objet de l’article de cette nouvelle loi. Il nous donne la possibilité de renforcer les contrôles d’identité dans les zones frontalières. Nous constatons que les terroristes n’hésitent pas à les franchir. Entre la Belgique et la France, ou avec Barcelone. Il convient donc que l’on puisse avoir encore des contrôles sur un certain nombre de points précis qui ne couvriront pas, comme cela a pu être dit, % de la population.
Les associations de défense des droits des migrants affirment que sous couvert de lutte antiterroriste c’est en fait l’immigration que l’on traque... J’ai bien veillé à ne pas faire d’amalgame dans cette loi. Les problèmes d’asile et d’immigration qui peuvent se poser feront d’ailleurs l’objet prochainement d’une loi spécifique, dans le but notamment de rapprocher notre droit de celui de nos voisins allemands. Nous voyons bien aujourd’hui qu’un certain nombre de personnes déboutées du droit d’asile en Allemagne viennent en France pour y redéposer une demande. Cela nous appelle à faire évoluer notre droit et ce sera donc l’objet d’une autre loi.
En attendant, la gestion de ces flux migratoires reste une problématique importante pour notre département... Et pour toute l’Europe. Comme vous le savez nous avons eu un sommet franco-italien cette semaine à Lyon. Et cela fait évidemment partie des sujets que nous avons abordés avec Marco Minniti, le ministre de l’Intérieur italien. Ce n’est pas pour rien non plus que le président de la République a pris un certain nombre d’initiatives. Lorsqu’il réunit le Président libyen reconnu par l’ONU et le maréchal Haftar c’est pour pouvoir rétablir l’État en Libye et mieux lutter contre les flux de migrants guidés par des passeurs qui en proviennent. Lorsque nous rétablissons des contrôles, avec l’aide du Niger, dans la région d’Agadez, au sud de la Libye, c’est aussi pour limiter ces flux. Car la doctrine de la France est claire : le droit d’asile pour les réfugiés est imprescriptible, mais nous ne pouvons pas accueillir tous les migrants économiques irréguliers qui voudraient s’établir en Europe.
Sortir de l’état d’urgence tout en protégeant les Français.”