Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Procès A. Merah: «Il est dans un contrôle absolu»
Début de la deuxième semaine du procès d’Abdelkader Merah, jugé pour complicité dans les actes terroristes commis par son frère Mohamed en mars 2012 à Toulouse et Montauban…
Que faut-il retenir de la semaine écoulée dans ce procès ? Nous nous sommes penchés sur le CV des deux accusés, en dehors de leur engagement religieux, car le président a souhaité le faire en deux temps. Il y a eu le témoignage du patron du Raid au moment de l’intervention, celui du directeur de la SDAT [la sous-direction antiterroriste de Toulouse, un service de police judiciaire, Ndlr]. Et puis deux ou trois policiers ont témoigné, sous la procédure d’anonymisation. Les balisticiens et les médecins légistes se sont, aussi, succédé à la barre. Ainsi que quelques témoins qui ont évoqué la personnalité des militaires abattus. Il faut surtout retenir de cette première semaine une ambiance écrasée par le poids des crimes de Merah.
Les débats ne sont pas encore entrés dans le détail ? Nous ne sommes pas encore allés dans le détail des éléments de complicité reprochés aux deux accusés. Mais on a déjà compris le système de défense d’Abdelkader Merah. Quant à Malki, il en est à sa neuvième version sur la fourniture du pistolet-mitrailleur. Il y en aura certainement une dixième et une onzième…
Et quel est le système de défense du frère de Merah ? Pour moi, il a la même posture de provocation qu’à l’instruction. Dans un premier temps, il a expliqué à l’audience qu’il n’est pas un islamiste radical. Pendant toute une journée, il n’a cessé de répéter qu’en fait, nous étions des ignorants. Il n’a pas cessé de comparer son mode de vie à celui des « Occidentaux ». Que nous ne comprenions rien à son mode de vie ! Puis, il a fini par dire : « À supposer que je sois un islamiste radical, alors prouvezmoi que j’ai été le complice de mon frère ». Lors de sa garde à vue, Abdelkader avait dit aux policiers : « Je suis fier de ce que mon frère a fait. »
Il y a deux sortes de complicité dans cette affaire : l’aide matérielle apportée, avec le scooter par exemple, mais aussi une complicité immatérielle… Oui, il y a l’endoctrinement, le fait d’avoir poussé son jeune frère Mohamed dans la pensée djihadiste, d’avoir joué le rôle de mentor. Bref de l’avoir provoqué, encouragé au crime. Et puis, il y a le scooter qui a servi lors de la tuerie. L’accusé nie le vol. Il affirme avoir été présent, mais ne pas avoir participé. Avec les autres parties civiles, nous estimons que tous les éléments de complicité sont absolument accablants.
Quel est son comportement à l’audience ? Il est toujours dans la provocation, même s’il essaie de se lisser un peu. Il affirme avoir dit des choses en garde à vue parce qu’il avait été provoqué par les policiers et qu’il avait répondu à la provocation par la provocation. Je ne m’attends pas une seconde à ce que sa ligne de défense bouge. En le regardant l’autre jour, je me disais : « Il vit dans un autre monde, c’est effrayant. » Lors des débats, il est toujours très calme, impassible. Il est extrêmement structuré. Il ne réagit pas. Il est dans un contrôle absolu. Dans sa logique à lui. Et toujours habillé de blanc… Comme dit Latifa Ibn Ziaten [la mère d’Imad, le premier militaire assassiné par Merah, Ndlr] : il est à fond dans sa secte.
La semaine dernière, il y a eu un témoignage un peu troublant : celui d’un policier décrivant Mohamed Merah comme un loup solitaire ? Ça a été très surprenant, oui ! Le problème, c’est que ce policier n’était pas dans le renseignement, mais dans la police judiciaire. Donc il est intervenu après les faits. Il a déposé pendant deux ou trois heures sans jamais prononcer le nom d’al-Qaïda ! Et pour finalement nous dire que c’est un loup solitaire car il a été seul dans l’exécution de son crime. Comme le dit le juge Marc Trevidic, le djihad individuel ça n’existe pas. Mohamed Merah n’était pas un loup solitaire.
Y a-t-il eu des incidents de séance depuis l’ouverture du procès ? De nombreux, oui… Je pense au jour où la mère de l’accusé et de Mohamed Merah est venue lui envoyer un baiser, puis a tenu une conférence de presse pour dire que son fils était innocent. Ça a été très mal vécu par les parties civiles.
Que va-t-il se passer au procès cette semaine ? C’est une semaine cruciale qui s’ouvre, comme celle d’après, d’ailleurs. Les deux plus importantes. Aujourd’hui, nous allons entendre encore de nombreux policiers, notamment du renseignement. Demain, il y aura le compte rendu d’expertise des éléments informatiques retrouvés chez Abdelkader. Et jeudi, l’audience sera concentrée sur le scooter. Enfin, vendredi, il y aura la première audition de l’accusé sur le fond. Avec peut-être la question de son engagement religieux.
Dans quel état d’esprit sont les parties civiles dans ce procès un peu particulier, puisque Mohamed Merah ne fera jamais face à la justice ? En ouvrant les débats, le président a dit : « Les faits sont terribles, la cour a à juger des faits terribles »… C’est un procès nécessaire. Et important. Mais tellement douloureux. Et à cette douleur s’ajoutent les provocations de l’accusé…
Et votre client, Bryan ? L’approche du procès l’a bouleversé. Sa résilience à lui se situe dans la mise à distance. Il n’assiste pas à l’audience. Quand je vois le comportement d’Abdelkader Merah, je le comprends.