Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

L’inquiétude des chrétiens d’Orient

Si la plaine de Ninive, berceau de la chrétienté, a été libérée du joug de Daesh, la situation des chrétiens d’Orient reste très précaire. De passage à Toulon, les Irakiens Tariq Aboosh et Simon Assofy témoignent

- P.-L.P.

Nous les avions rencontrés il y a un peu plus d’un an, au Kurdistan irakien. C’était en novembre 2016 (1), à Ankawa, le quartier chrétien d’Erbil. Comme des milliers d’autres chrétiens chassés de leurs villes par l’offensive de Daesh, alors en pleine expansion, Simon Assofy et Tariq Aboosh avaient trouvé refuge dans la grande ville du nord de l’Irak pendant l’été 2014. Et depuis cette date, ils travaillen­t pour l’associatio­n humanitair­e SOS Chrétiens d’Orient. Mais au début du mois de décembre, troquant leur gilet floqué d’un gros coeur de couleur rouge pour le costume, c’est à Toulon que nous les avons retrouvés. En mission, bien plus qu’en vacances. « Nous sommes ici en France pour témoigner de la situation des chrétiens d’Orient », lâche Tariq Aboosh, alias Abu Dany.

Au beau milieu des peshmergas et des soldats irakiens

Depuis la libération de Mossoul du joug de l’État islamique, le 9 juillet dernier, les chrétiens irakiens ont quasiment disparu des médias français. Leur situation est pourtant loin d’être enviable. « Avec la défaite de Daesh, on a réglé un problème certes, mais un autre a commencé », déclare Tariq. Et de préciser : « On se retrouve aujourd’hui entre les Kurdes qui rêvent d’indépendan­ce et le pouvoir central de Bagdad ». Si, pour l’heure, les Américains arrivent à maintenir le calme, la situation pourrait dégénérer très vite, comme on l’a vu au mois d’octobre, quand peshmergas kurdes et soldats irakiens ont échangé des tirs dans les environs de Kirkouk. « Pour ceux qui l’auraient oublié un peu vite, je vous assure que l’Irak n’est toujours pas un bon endroit où vivre », assène Simon, le plus sérieuseme­nt du monde. Des deux témoins irakiens, il est le plus remonté. Pour comprendre son exaspérati­on, voire sa colère, il nous explique sa situation profession­nelle. « Je suis dentiste de formation. Mais mon métier, dans un camp de réfugiés, ne me permet pas de vivre, car le gouverneme­nt ne paye pas les salaires. La corruption est partout », raconte le jeune homme, qui continue donc de travailler pour SOS Chrétiens d’Orient.

Difficile retour dans les villes détruites

Plus âgé, plus sage, Tariq ne dit pas autre chose. Mais le ton est moins révolté. « On ne reçoit aucune aide du gouverneme­nt pour reconstrui­re nos villes de la plaine de Ninive ravagées par Daesh, puis par les combats pour les déloger. L’église est la seule à s’occuper de la population chrétienne. » Malgré les efforts de l’église qui se bat pour que les chrétiens restent sur leur terre, les choses n’avancent pas vite. À Qaraqosh, la grande ville chrétienne de la plaine de Ninive, si une croix, plus grosse que celle abattue par les combattant­s de Daesh, a été érigée à l’entrée de la ville, à peine une cinquantai­ne de maisons ont pour l’heure été reconstrui­tes par l’associatio­n SOS Chrétiens d’Orient. On comprend pourquoi à peine 3 000 familles ont fait le chemin retour. « Et encore, 10 % d’entre elles sont depuis reparties pour Ankawa à Erbil, où nombre de pères de familles ont trouvé un travail », s’empresse de tempérer Tariq. « Les écoles ont rouvert leurs portes certes, mais la situation reste extrêmemen­t précaire. Il y a régulièrem­ent des coupures d’eau et d’électricit­é. Quant aux médecins, ils sont confrontés à des ruptures d’approvisio­nnement en médicament­s. Ce n’est vraiment pas facile », confie Simon. Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que certains chrétiens, qui de toute façon n’ont plus confiance en leurs voisins musulmans, envisagent de refaire leur vie ailleurs… 1. Nos éditions des 12, 17, 19 et 26 novembre 2016.

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(Photos DR) Sur le terrain, l’associatio­n humanitair­e SOS Chrétiens d’Orient est très active pour apporter aide et réconfort.
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Si Tariq Aboosh (cheveux gris et moustache) et Simon Assofy sont venus jusqu’en France (ici à Toulon) c’est avant tout pour bien faire comprendre aux Occidentau­x que, malgré la défaite de Daesh, la situation des chrétiens irakiens reste plus que...

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