Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Bonifay: la saga d’une famille en béton

Pour les fêtes de fin d’année, Var-matin Grand Toulon met la famille à l’honneur. Chaque jour de cette semaine, faites connaissan­ce avec ces différente­s génération­s, qui ont choisi de travailler ensemble

- P.-H. C. phcoste@nicematin.fr

Il a commencé à travailler avec son père en 1964. Il a formé et transmis la boîte à ses fils… Et veille maintenant à ce que la quatrième génération de Bonifay trouve sa place dans l’entreprise. Autant dire qu’à 71 ans, André Bonifay en connaît un rayon sur le travail en famille. À vrai dire, il n’a rien connu d’autre. « Je disais toujours à mes parents qu’en 1946, ils ont fait deux belles choses. L’entreprise et moi», s'amuse André, intarissab­le sur la saga d’une boîte qu’il a dans le sang. Son père, qui s’appelait aussi André (1915-1999), est descendu de Signes, « travailler à la ville dans les années 1930. Il a commencé dans le transport de matériaux et dans le monde de la carrière à Sainte-Anne d’Évenos ». Il y rencontre Joséphine (1915-2001). « Ils se sont mariés en 1935. Après la guerre, ils sont venus habiter à Toulon, là où je suis né et là où il a monté son premier négoce de matériaux, avenue Marceau. L’histoire a démarré là.» Et depuis, du béton a coulé sous les ponts. Après un passage par Brunet, les Bonifay achètent un terrain dans la naissante zone industriel­le de La Garde, chemin des Plantades. Un terrain qu’André Bonifay père «avait repéré pendant les grèves du mois de mai », se souvient André Bonifay fils. « Quand on est arrivés ici en 1969, on était trois dans l’entreprise. Deux ans après, on était trente-cinq. »

Quatre cents salariés

« Et maintenant, on est près de quatre cents salariés, embraye André-Jean, 32 ans, le plus jeune des trois fils d’André et actuel P.-d. g. Pour décrire les contours de l’actuel empire familial, il égrène les chiffres : quatorze hectares de terrains à La Garde, deux centrales à béton fixe, une dizaine de mobiles (six cents tonnes de béton par jour), une usine d’agglo, quatorze sites dont treize dans le Var, une carrière, cent quatre-vingts véhicules (camion ou grues) et cinquante millions d’euros de chiffre d’affaires cette année. La saga Bonifay a en effet pris du volume. Du tunnel de Toulon, aux gradins du stade vélodrome en passant par le quai du Charles-deGaulle, l’hôpital SainteMuss­e ou de façon plus classique les maisons d’une bonne partie des Varois, les Bonifay coulent leur béton dans toute la région… Mais sans jamais se laisser enivrer par leur exceptionn­elle réussite économique. Jusqu’à son dernier jour, Joséphine a ainsi habité dans le petit appartemen­t au-dessus du magasin toulonnais et, à 87 ans, vêtue de son éternelle blouse, elle veillait sur le commerce. « Sans ma mère, mon père n’aurait jamais pu faire l’entreprise. C’était elle le chef d’orchestre, mais sans jamais se mettre en valeur», salue avec émotion André. C’est donc claire sur ses valeurs que la famille Bonifay avance.

« On commence en bas de l’échelle »

André et sa soeur Jeannine, née trois ans avant lui, prennent le relais avec leurs conjoints en 1987… Et commencent à intégrer la troisième génération qu’ils ont bercée par la tradition maison. Les trois fils d’André et Maryse (Stéphane, Christophe et André-Jean) et les enfants de Jeaninne et Guy BonifayRou­illé (Jean-Joël et Valérie) apprennent le métier. « Chez nous la formation, c’est toujours la même, assure André-Jean. Peu importe le niveau d’étude, on commence en bas de l’échelle. » Résultat, en 2013, la troisième génération est prête à prendre les commandes. André-Jean, le plus jeune hérite de la présidence raconte : « Ça s’est fait comme ça, sur le tempéramen­t et aussi parce que je suis le mieux placé pour faire le lien avec la quatrième génération », explique le jeune P.-d. g. Les quatre autres, tous actionnair­es à part égale, se partagent les directions générales. « Organiser une succession, ce n’est pas facile, soupire André. Mon père s’est arraché les cheveux et moi je l’ai vécu aussi. » Apparemmen­t, l’épreuve n’a pas suffi à le dégoutter du monde du travail puisque, bien qu’officielle­ment à la retraite, il passe ses journées au bureau. « Il faut que je me lève, le matin, il n’y a rien à faire. Et puis je ne travaille qu’à mi-temps… C’està-dire douze heures par jour», sourit le patriarche. Son objectif, veiller maintenant à ce que l’intégratio­n des petits-enfants se passe bien. Au moins trois enfants de la quatrième génération doivent rejoindre les rangs… Mais dans des conditions qui n’ont rien à voir avec ce qu’ont connu André et sa soeur. « La première génération a créé, la deuxième a mis des fondations très solides. Nous, ça nous permet de nous développer beaucoup plus vite », résume André-Jean. Ça, c’est pour la stratégie d’entreprise. Le rapport à l’argent a aussi changé d’une génération à l’autre. Le jeune homme, qui n’a pas perdu le sens des réalités, le sait. « La première génération n’avait rien. La deuxième n’avait pas grand-chose. La troisième avait tout et la quatrième a plus que tout. Alors forcément qu’on le veuille ou non, l’éducation n’a pas été la même. »

Se dire les choses comme on devrait

Reste à savoir maintenant si travailler en famille se fait toujours en douceur chez les Bonifay. André-Jean fait un constat en deux temps. « Dans la gestion quotidienn­e, c’est plus facile de travailler avec un frère ou un cousin et de lui faire confiance, parce qu’on

sait qu’il a le même intérêt que vous. Il ne va pas vous piquer dans le portefeuil­le. Mais là où c’est plus dur, c’est qu’on ne se dit pas toujours les choses comme on devrait se les dire. Ce que vous diriez à un associé directemen­t, on modère un peu plus nos propos. » « Comme disait Maman, il faut mettre de l’eau dans son vin, confirme tout en rondeur André. C’est le rôle du patriarche de mettre un peu de calme, parce qu’ils ont tous du sang. »

 ?? (Photo Dominique Leriche) ?? André (qui se passionne pour sa collection de camions) et André-Jean Bonifay, deux génération­s au service d’une même saga.
(Photo Dominique Leriche) André (qui se passionne pour sa collection de camions) et André-Jean Bonifay, deux génération­s au service d’une même saga.

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