Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Des pins brûlés cet été transformés en électricité Brignoles
Durant plus d’un mois, des pins touchés par les terribles incendies de Bormes cet été ont été prélevés et ont rejoint la centrale biomasse de Nicopolis pour produire des mégawatts
Des paysages quasi-lunaires. Rien ou presque à l’horizon à l’exception de troncs calcinés et d’une couleur grise qui donne au site des allures de fin du monde. Il y a quelques mois, le long de cette route menant à Cabasson (Bormes), les incendies se déchaînaient sur ce massif où se côtoyaient chênes lièges et pin méditerranéens dans une joyeuse pagaille. Après avoir accusé le coup, l’Homme s’est retroussé les manches pour «tirer le bon» de cette catastrophe écologique. Depuis un mois, les bruits de tronçonneuses, d’une abatteuse et d’un porteur forestier rythment les journées habituellement si calmes dans ce coin. Sous l’impulsion de l’Association syndicale libre (ASL) Suberaie Varoise, des propriétaires privés ont confié leur parcelle à cette association chargée de rénover, gérer et entretenir leurs forêts. « Nous sommes allés à la rencontre des propriétaires après avoir parcouru le terrain et constaté qu’il y avait des secteurs avec des zones assez denses en pin brûlés », explique Chloé Monta, ingénieur forestier et animatrice de l’ASL. Bien aidée par les courriers envoyés par la mairie de Bormes qui ont permis de contacter l’essentiel des propriétaires, ils ont pu assister à la réunion d’information organisée mi-septembre.
Pourquoi couper les pins brûlés ?
« On leur a expliqué qu’il allait falloir couper les pins brûlés, qu’ils seraient utiles au sol pour limiter le travail d’érosion et d’inondation. Il n’y avait pas obligation mais si on laisse en l’état, ça va pourrir et tomber. Ça pose un problème d’abord esthétique. Mais ces arbres morts attirent aussi de nombreux insectes qui se régalent et peuvent s’en prendre aux arbres pas morts mais affaiblis par le feu. » Autre avantage, « en le mettant au sol ça fait décomposer la matière plus rapidement, et enfin ça a un aspect sécuritaire », insiste Chloé Monta. Une fois les parcelles identifiées, c’est l’abatteuse qui est donc entrée en action en débitant à un rythme effréné. En moins de deux minutes, le grand pin – tout du moins ce qu’il en restait – a été transformé en quelques bûches de longueur identique grâce à l’aide des couteaux et autres lames de cette machine infernale. Le branchage restant au sol, les troncs, rangés, attendent eux le porteur forestier qui les empile sur le bas-côté avant qu’ils ne prennent la direction d’Inova (voir cidessous) .« Les troncs vont à Brignoles, les têtes des arbres sont revendues à Pierrelatte ou elles alimentent une grosse chaudière.» Car la qualité énergétique de ce bois calciné est encore importante. « Il est mort, brûlé en périphérie mais sain à l’intérieur », précise l’ingénieur forestier. Seuls 20 hectares sur les milliers brûlés durant l’été ont ainsi été «recyclés». Sur le site de Cabasson, cela représente environ 1000 tonnes de bois. Et pour le reste ? « Sur les 500 hectares brûlés entre Hyères et La Londe par exemple, il y a très peu de parcelles de pins exploitables, souligne Chloé Monta dont le regard est déjà tourné vers la Croix Valmer pour un chantier identique. « On se concentre sur les pins. Quant aux chênes lièges, il est encore trop tôt pour dire qu’ils vont tous survivre mais une grande partie est en train de repartir, ils ont la capacité de survivre au feu. » Et que les amoureux des pins méditerranéens se rassurent. Ceux-ci n’ont pas dit adieu au massif. Dans quelques années voire quelques mois, ils pourront venir observer les jeunes pousses qui reprendront leurs droits sur leur territoire. «Un pin quand il brûle dissémine ses pignes et le feu stimule le processus de propagation des graines. On espère que dans les printemps à venir on va voir apparaître des pins tous jeunes, se projette-t-elle. Dans le cycle d’une forêt méditerranéenne, le pin est le premier à coloniser les espaces ouverts. C’est une espèce pionnière et, si bien sûr ça ne rebrûle pas dans les décennies qui suivent, le pin favorise une ambiance forestière à couvert favorable à l’arrivée des feuillus dont le chêne. Chaque espèce a sa stratégie par rapport au feu, et si les arbres ont adopté une stratégie c’est que le feu a existé...» Seul problème, le rythme des incendies imprimé par l’homme est loin d’avoir le côté positif que la nature, seule, pouvait avoir lorsque l’être humain n’avait pas encore colonisé le territoire.