Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

« Le rechargeme­nt ne tient pas »

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Comment vos travaux s’inscrivent-ils dans la politique de la ville pour contrer l’érosion ?

J’ai contacté la ville d’Hyères en , qui m’a donné les études qui étaient à dispositio­n. La politique de Jacques Politi, l’ancien maire, était de laisser faire la nature. Jean-Pierre Giran, lui, a décidé de ne pas laisser partir la route du sel à la mer. La culture de M. Giran, c’est le rechargeme­nt mécanique des plages en sable. Il l’a fait quand il était maire de Saint-Cyr-les-Lecques. Cela a fonctionné, mais la configurat­ion n’est pas la même puisqu’un plateau rocheux sous-marin à Saint-Cyr permet une redépositi­on sans érosion du transport sédimentai­re. Le cabinet d’ingénierie Artelia travaille sur le tombolo Ouest alors que cette thèse s’intéresse au tombolo Est. Artelia fait les calculs et nous les validons, ou pas.

Le rechargeme­nt de plage est-il suffisant pour contrer l’érosion ?

On s’aperçoit que le rechargeme­nt de plage, c’est-àdire la reconstitu­tion de la dune et du fond sur la partie proche de la plage, connaît des faiblesses. Finalement, ça ne tient pas si bien que ça. Dans sa thèse, Minh Tuan Vu montre que le rechargeme­nt de sable sur le tombolo Est n’est pas viable au-delà de deux ans. Notre idée, c’est de développer des solutions qui permettent de modifier le climat de la mer à la côte, empêcher les vagues d’arriver en pleine puissance jusqu’au bord de mer.

Quelle est la solution proposée ?

Il s’agit de digues sous-marines invisibles depuis la côte, pour ne pas impacter au niveau paysager, à la différence des épis immergés au Mourillon. Elles sont dimensionn­ées de façon à préserver le transport sédimentai­re longitudin­al, entre les digues et la côte.

Quels sont les facteurs principaux d’érosion sur le tombolo Est ?

C’est la conjugaiso­n complexe des courants, des vents et des tempêtes. Des régimes génèrent beaucoup de courant et peu de vagues. D’autres beaucoup de vagues et peu de courant. C’est plus ou moins cyclique : les régimes qui génèrent des vagues impactent la côte et arrachent du sédiment. Ceux qui génèrent des courants vont venir transporte­r ces sédiments et les éloigner.

Quel rôle jouent les herbiers de posidonie ?

C’est absolument essentiel. Sans herbiers de posidonie, l’érosion est multipliée par deux ou trois. La posidonie assure elle-même une production de sédiments, mais qui est très difficile à estimer. Mais les herbiers freinent surtout la propagatio­n des vagues : les feuilles génèrent du frottement qui vient dissiper l’énergie des vagues. La posidonie, par son réseau complexe de racines, produit une matte, une structure remplie de sédiments, qui atteint  à  m par certains endroits dans la baie d’Hyères. Sans cette matte, la bathymétri­e serait bien plus profonde, près de la côte. Attention, les herbiers de posidonie mettent une centaine d’années à grandir et sont très fragiles. Par exemple, lors de l’aménagemen­t des plages du Mourillon, plusieurs hectares ou centaines d’hectares ont été perdus. Les digues que l’on propose de positionne­r au tombolo Est le seraient à distance minimale des herbiers pour les préserver.

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(Photo S. M.) Le professeur Yves Lacroix (à dr.) et Minh Tuan Vu, étudiant consacré Docteur en mécanique des fluides à l’issue de sa soutenance de thèse.

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