Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
Formation professionnelle : le « big-bang » passe mal
La ministre du Travail a présenté, hier, sa réforme. Syndicats et patronat, U2P excepté, l’ont accueillie avec fraîcheur. Ils redoutent une nationalisation rampante du dispositif
Chaque salarié verra son compte personnel de formation crédité en euros et non plus en heures, et la collecte de fonds sera dorénavant assurée par les Urssaf, a annoncé, hier, Muriel Pénicaud, un « big bang » qui mécontente à la fois syndicats et patronat. La réforme de la formation professionnelle s’appuie « largement » sur l’accord conclu le 22 février par les syndicats et le patronat, a assuré Mme Pénicaud. Au cours de la négociation, les partenaires sociaux avaient décidé une augmentation des heures (de 24 à 35 heures) du CPF. Mais, si le gouvernement a retenu l’idée d’une augmentation des droits, il a décidé de passer à un décompte non plus en heures mais en euros, comme il l’avait d’ailleurs suggéré depuis le départ. « Les euros sont beaucoup plus concrets et lisibles pour chacun », a justifié la ministre, au grand dam des partenaires sociaux, qui redoutent une inflation des coûts de formation et une baisse des droits. Avec la réforme, les salariés – à temps plein ou partiel – disposeront sur leur compte de 500 € par an, plafonnés à 5000 €. Les personnes sans qualification auront 800 euros, avec un plafonnement à 8 000. En revanche, pour les salariés en CDD, le compte sera crédité prorata temporis. Autre changement de taille : les sommes destinées à la formation seront collectées par les Urssaf, les organismes collecteurs des cotisations sociales, qui les transféreront à la Caisse des dépôts. Actuellement, la collecte est réalisée par les organismes paritaires collecteurs agréés (Opca). Ces derniers seront radicalement transformés pour devenir des «Opérateurs de compétences», des structures chargées, notamment, de financer les centres de formation d’apprentis (CFA).
Fronde quasi générale
Comme prévu, cette mesure a hérissé à la fois patronat et syndicats. Le Medef y voit « une volonté de «nationalisation» du système en donnant à des acteurs publics un rôle central » ,notamment les Urssaf et la Caisse des dépôts. La CPME, a elle agité le risque d’une «usineàgaz» quand le Syndicat des indépendants (SDI) a qualifié le projet de « big flop ». La CFDT a réclamé l’organisation d’une concertation « rapide » pour « que ces changements ne conduisent pas à un chamboule-tout destructeur ». FO estime aussi que des « points nécessitent des éclaircissements compte tenu de leur danger potentiel », citant entre autre monétisation du CPF et recouvrement par l’Urssaf. Pour la CGT, le gouvernement « fragilise encore le monde du travail en érigeant une individualisation totale des travailleurs, désormais seuls responsables de leur employabilité ».
Coûts de formation surveillés
Les régions ont regretté que le gouvernement ne soit pas allé « suffisamment loin » dans la simplification de la gouvernance, où se superposent une multitude d’acteurs, quand l’U2P, à l’inverse, s’est félicitée du fait que les mesures répondent à la nécessité de « simplifier et de rationaliser » le système. Autre annonce faite hier : une agence nationale, baptisée « France compétences », sera créée et gérée par l’État, les organisations patronales et syndicales, et les régions. Parmi ses missions, la régulation des prix des formations, afin que les coûts «nedérivent pas ». La ministre du Travail, qui avait promis ni plus ni moins qu’un « big bang » du système, a souligné que cette réforme se ferait à « enveloppe constante » pour les cotisations des entreprises, soit 1,68 % pour celles de plus de 11 salariés et 1,23 % pour celles de moins de 11 salariés. La formation professionnelle coûte chaque année environ 25 milliards d’euros. Les entreprises, dont les dépenses directes ne sont pas prises en compte dans ce total, en sont, malgré tout, les premiers financeurs.