Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)
La « croisière » fiasco de Defend Europe diffamée ?
Les responsables de Génération identitaire, qui attaquaient en diffamation, étaient aux abonnés absents au tribunal correctionnel de Nice. Un comité d’accueil leur avait pourtant été réservé : une cinquantaine de personnes, des militants antifascistes, des associations pro migrants ou de défense des droits de l’homme. Tous réunis devant le palais de justice. Lorenzo Fiato, Robert Timm et Clément Gandelin, italien, allemand et français du groupe d’extrême droite « Defend Europe », poursuivaient Yannis Youlountas, réalisateur franco-grec, et Jean-Jacques Rue, journaliste satirique à Siné Mensuel, pour diffamation et injures publiques. Les deux prévenus avaient l’été dernier abondamment commenté sur Facebook le fiasco de la croisière de Defend Europe. Le bateau C-Star, armé par l’extrême droite, prétendait « entraver les opérations de sauvetage en mer en Méditerranée». Leur odyssée ira de déconvenues en mésaventures. Rejetés de la plupart des ports, interpellés pour avoir embauché des migrants dotés de faux papiers comme marins (sic), les militants d’extrême droite sont finalement tombés en panne en mer avant d’être secourus par une ONG de sauvetage des migrants. Aide qu’ils ont refusée. S’amusant de ce marasme, Yannis Youlountas et Jean-Jacques Rue avaient brocardé l’opération, écrivant « La croisière nazie s’amuse » ou : « Un navire d’aide aux migrants envoyé au secours des nazillons en panne». À la barre, Yannis Youlountas se défend: « Pour moi, gêner le sauvetage de femmes et enfants, c’était illégal et contraire aux valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. Je cherchais un registre satirique pour ridiculiser l’adversaire ». Droit, ferme, il a tout assumé. « J’accepte le débat public, je cherche à défendre mon point de vue, mais je pense vraiment, après enquête approfondie, que Génération identitaire doit être interdit et est apparenté à un mouvement nazi. »
Le site Paypal se retire
La croisière avait été financée par du crowfunding. Mais le site Paypal avait suspendu le compte de Génération identitaire, apprenant qu’il s’agissait d’une opération anti-migrants. L’ancien leader du Ku Klux Klan, David Duke, avait alors soutenu une levée de fonds, associé à des Youtubeurs d’extrême droite. Accusé d’avoir lancé un appel à la violence par ses propos sur Facebook, Jean-Jacques Rue s’amuse et décroche des sourires dans la salle d’audience : « Si vous hurlez mort aux cons, en appelez-vous pour autant à la mort de tous les cons ? Ce serait compliqué … » Il évoque sa colère au moment de rédiger ses posts. « Au regard de ma vision du genre humain, cela me paraît inconcevable que des gens se lèvent un matin en disant, tiens, je vais monter un bateau pour empêcher des gens d’aller sauver des vies humaines. » L’avocat parisien des deux prévenus, Me Dominique Tricaud, a enfoncé le clou : « M. Youlountas a publié plusieurs textes, dénonçant les commanditaires. Il les a notamment qualifiés d’organisateurs d’un safari anti-immigrés, de miliciens fascistes, de navire de la honte. Aucun de ces qualificatifs n’a été attaqué par les parties civiles. On peut donc tous les utiliser sans problème. » Me Pierre-Vincent Lambert, avocat niçois des leaders d’extrême droite de Defend Europe, a démenti toute accointance de leur mouvement avec le national-socialisme. Et d’attaquer : « La jurisprudence est constante sur ce point, les termes nazis ou nazillons sont des injures. Personne à Génération identitaire n’a jamais revendiqué d’être néo nazi ». Le jugement a été mis en délibéré, il sera rendu en mai.