Var-Matin (Brignoles / Le Luc / Saint-Maximin)

Michel-Ange Flori, l’afficheur qui dérange

Ce Corse de 58 ans, qui gère 400 panneaux publicitai­res dans de le départemen­t, défraie régulièrem­ent la chronique avec ses messages diffusés en 4 par 3 entre La Seyne et Six-Fours. Rencontre

- MA.D. mdalaine@nicematin.fr

Il aura fallu deux ans d’échange par textos pour que MichelAnge Flori accepte finalement de nous rencontrer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça valait le coup d’attendre. Car l’homme qui se cache derrière les dizaines de messages polémiques affichés en 4 par 3 entre La Seyne et Six-Fours n’est pas qu’un incorrigib­le rebelle. C’est un personnage aussi truculent qu’inclassabl­e. Et un tantinet sulfureux. Le rendez-vous est fixé dans sa vaste demeure des hauteurs d’Ollioules, là où la mer semble embrasser les collines. Après un coup d’oeil admiratif à la somptueuse Bentley qui surplombe la piscine, nous découvrons dans le salon un véritable petit musée où se côtoient sculptures d’art premier, lion empaillé et murs couverts de tableaux. Où trône même, comble du luxe, une oeuvre du peintre italien Modigliani. Michel-Ange Flori, 58 ans, a fait fortune dans l’affichage publicitai­re, et ne s’en cache pas. « Je suis un autodidact­e, précise-t-il. Je faisais des steaks dans la basse ville de Toulon quand une connaissan­ce corse m’a convaincu de tenter ma chance dans la pub. En 1987, j’ai constitué ma propre société. » Qu’il a vite revendue. Mais la machine, elle, était lancée. Inarrêtabl­e.

Sept ans de prison ferme en 

En 1998, il monte l’entreprise Maci, qu’il gère toujours actuelleme­nt. Et c’est un an plus tard que son premier panneau défraie la chronique au-delà des frontières du Var. Un beau matin de juin, à l’entrée de Toulon, une étrange « publicité » interpelle les automobili­stes… et les autorités. Trois phrases : « Corse : présumé coupable. Préfet : présumé innocent. Chevènemen­t : l’innocence sélective ». Une référence à «l’affaire des paillotes » et des propos contre le ministre de l’Intérieur qui ne mettent pas longtemps à faire réagir en haut lieu. Michel-Ange Flori est embarqué menottes aux poignets et placé près de vingt heures en garde à vue. « Sur ordre du préfet, les pompiers sont venus décrocher l’affiche au chalumeau. Moi, j’appelle ça un autodafé. » Il sera finalement remis en liberté. « J’ai été beaucoup menacé, rarement attaqué et jamais condamné commente-t-il

aujourd’hui.

», Pour ses écrits, peut-être. Pour le reste, le parcours de notre interlocut­eur garde sa part d’ombre. En 2000, nos archives nous apprennent qu’il fut condamné à sept ans de prison pour une affaire de plasticage à Mouans-Sartoux. La bombe, posée par son cousin, n’a fait que des dégâts matériels : les établissem­ents publicitai­res Pisoni… l’entreprise même qui venait de le licencier. « Je suis quelqu’un de foncièreme­nt honnête. Et j’ai payé ma dette », balaye, laconique, ce descendant de bergers corses. Originaire du petit village de Lozzi, dans le canton de Niolu, au nord de Corte, Michel - Ange Flori se dit fier de ses origines et ne cache pas sa sympathie pour les idées autonomist­es. Mais c’est bien entre Hyères et Bandol, où il gère désormais 400 panneaux de publicité, que l’entreprene­ur a fait sa vie. Maci est ainsi l’acronyme de Michel, Ange, Christine et Isabelle, les prénoms des membres de sa famille. Son clan. Et si la société appartient maintenant au groupe Girod Médias, l’Ollioulais est resté à la barre du navire. Et il en profite. En 2015, peu après les attentats du 13 novembre, il envoie un message en bordure de la RD 559, où il demande à «Monsieur le président, la mort pour les terroriste­s et leurs complices ». Brutal. Son coup de gueule sera relayé aux quatre coins de la France par les médias. Rebelote après les attaques de Bruxelles. En septembre dernier, alors que la tension est à son comble entre la Corée du Nord et les USA, il met en scène Kim Jong-un tout sourire en face de Donald Trump, avec ce bandeau : « Qu’estce qu’on rigole ». Et effectivem­ent, Michel-Ange Flori semble s’amuser comme un petit fou. « Certains s’offusquent du ton employé ou me reprochent d’utiliser mes panneaux pour dire ce que je pense, s’énerve l’afficheur. Mais je revendique ma liberté d’expression. Désormais, le web me procure une caisse de résonance. Mes panneaux sont devenus des tweets. J’ai inventé Twitter avant l’heure ! »

« Hubert Falco m’a appelé, il était furieux »

Comme pour le réseau social, il estime d’ailleurs que ses petites phrases ont un gros poids. « En 95, j’ai affiché mon opposition à Ferdinand Bernhard. Et bien, il s’est retrouvé troisième au premier tour des municipale­s à Sanary. Pareil l’an passé quand j’ai « tweeté » sur Vialatte, à Six-Fours. Il n’a pas été réélu député et je suis sûr d’y être pour quelque chose. » Le message en question n’a pas été, doux euphémisme, du goût de l’édile, qui a saisi la justice. Mais le tribunal n’a pas retenu le caractère injurieux de la tirade, arguant qu’elle s’inscrivait « dans un contexte électoral tendu ». Tout récemment, c’est l’Institut médicalisé de Mar Vivo qui l’a attaqué pour dénigremen­t. Et il n’est toujours pas inquiet : « Je me contente de donner mon avis, comme sur TripAdviso­r. » Depuis quelques jours, son message sur l’ancien président de la République - «Sarkozy demande l’asile politique à la Libye » - lui a également valu des coups de fil de plusieurs élus varois. « Hubert Falco m’a appelé, il était furieux, sourit-il. Les politiques sont persuadés de m’impression­ner. Sauf que moi, je vis dans l’instant et j’adore ce que je fais. On ne peut pas me bâillonner. » Michel-Ange Flori dit aimer « s’attaquer aux puissants » et « inviter les citoyens à réfléchir sur ceux qui sont aux manettes. À ce titre, mes posts suscitent beaucoup d’empathie. » Et une bonne dose d’hostilité quand même chez les cibles concernées, voire ceux qui y voient, parfois, de la violence et une certaine vulgarité. Roulerait-il pour quelqu’un ? « Je ne suis ni de gauche ni de droite. Les gars du Front National sont venus me draguer et je leur ai répondu que ce n’était surtout pas ma bannière.» Quant à l’intérêt marketing de la chose, il balaye l’idée : « Des pubs pour les sex-toys aux salons de jardin, toute l’année 2018 est vendue. Et pour 2019, on est à 80 %. Je vous assure que je n’ai pas besoin de ça pour vivre. » Au contraire, sans doute, de continuer à gazouiller en 4 par 3.

Je ne suis ni de gauche ni de droite ” J’ai inventé Twitter avant l’heure ”

1. « Jean-Sébastien Vialatte, le millionnai­re. Arrive les souliers troués en 1995. 10 millions d’euros de patrimoine en 2015. On se fout de notre gueule »

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(Photo Dominique Leriche) Dernière polémique en date créée par Michel-Ange Flori : ses propos ironiques sur les déboires judiciaire­s de Nicolas Sarkozy, affichés en bordure de la RD , ont provoqué l’ire de plusieurs hommes politiques du départemen­t.
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«Je suis un autodidact­e »

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